Promouvoir le réemploi des matériaux et la requalification des bâtiments

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Par Aurélia Crémoux
vendredi 22 mars 2024
Promouvoir le réemploi des matériaux et la requalification des bâtiments
Le Guide de recommandation pour faciliter le réemploi de l’existant et la requalification du patrimoine bâti réalisé par l'organisme Entremise s’adressera autant aux municipalités qu’aux citoyen·ne·s qui souhaitent rénover ou restaurer un bâtiment. Image libre de droit
Le Guide de recommandation pour faciliter le réemploi de l’existant et la requalification du patrimoine bâti réalisé par l'organisme Entremise s’adressera autant aux municipalités qu’aux citoyen·ne·s qui souhaitent rénover ou restaurer un bâtiment. Image libre de droit
L’entreprise d’économie sociale et solidaire Entremise, qui propose notamment l’occupation transitoire de bâtiments vacants, a présenté le lundi 18 mars dernier, dans l’Espace Ville Autrement, son nouveau guide de recommandation pour faciliter le réemploi de l’existant et la requalification du patrimoine bâti.

La soirée a débuté par une conférence à laquelle ont participé le professeur agrégé à l’École d’architecture de l’Université Laval François Dufaux et l’architecte membre de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ) et candidat à la maîtrise en sciences de l’architecture Pierre Olivier B. Alarie. Tous deux ont présenté le résultat d’une étude de cas qu’ils ont effectuée sur la ville de Trois-Rivières. Ils ont étudié les interventions sur le patrimoine bâti urbain en s’attardant notamment sur la proportion des démolitions, des constructions et des rénovations sur le patrimoine bâti existant.

Si les deux spécialistes ont choisi le cas de Trois-Rivières, c’est en raison de son tissu urbain, assez représentatif d’une ville moyenne du Québec.

Au cours de cette étude, ils ont également analysé ce qui influençait, à l’échelle municipale, la nature des projets et des interventions, la qualité des bâtiments et l’efficacité du réemploi. « Le cadre réglementaire a été essentiellement dessiné pour créer la ville moderne, a déploré M. Dufaux. Que fait-on avec un cadre réglementaire qui ne voit pas la ville existante ? » 

Les chercheurs ont constaté que l’évaluation patrimoniale avait tendance à valoriser les bâtiments monumentaux, comme les universités, plutôt pour leur représentation symbolique que pour leur qualité architecturale. « Le paradoxe, c’est que l’argent disponible [accordé par le ministère de la Culture et des Communications] ne l’est que pour des bâtiments exceptionnels », a précisé M. Dufaux, qui regrette que la majorité des opérations réalisées dans des bâtiments ordinaires soient en conséquence dévalorisées et ne poussent pas les propriétaires à effectuer des rénovations significatives. 

Un guide de recommandation

« Pour consolider une culture de préservation et d’entretien des bâtiments, il est important d’inclure les citoyens dans la discussion qui seront la première ligne de défense du patrimoine bâti », a expliqué le chargé de projet chez Entremise, Pier-Luc Lussier.

À la suite de cette étude, et en tenant compte des enjeux identifiés par les chercheurs, une équipe de l’entreprise sociale et solidaire a mis sur pied son propre guide, intitulé Guide de recommandation pour faciliter le réemploi de l’existant et la requalification du patrimoine bâti. Celui-ci sera prochainement offert en ligne pour tous·tes et s’adressera autant aux municipalités qu’aux citoyen·ne·s qui souhaitent rénover ou restaurer un bâtiment.

Ce document, que l’équipe d’Entreprise a présenté dans la deuxième partie de la soirée, mentionne huit recommandations principales. Parmi elles se trouve l’élargissement de la définition de patrimoine au-delà du critère historique. « Par exemple, l’attachement d’une communauté peut contribuer à la valeur patrimoniale d’un bâtiment », a illustré M. Lussier, qui a également soulevé l’importance de consolider la culture de préservation et d’entretien des bâtiments et d’implanter une culture constructive locale.

La ville de Montréal comptait à elle seule 800 bâtiments vacants en décembre dernier. L’une des mesures que propose le guide vise à limiter leur nombre. Ces bâtiments étant inoccupés, ils se détériorent plus rapidement et sont plus souvent amenés à être démolis. Pour appliquer cette mesure, l’équipe d’Entremise conseille donc de tenir un registre des bâtiments vacants et d’envisager une occupation transitoire.

Au Canada, 11 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont causés par le secteur de la construction. Pour réduire ces dernières, le guide recommande de prendre en considération les coûts environnementaux liés à la démolition. M. Lussier a d’ailleurs rappelé au cours de la soirée que chaque infrastructure existante a déjà nécessité l’émission de GES lors de sa propre construction. « Considérer tous les impacts environnementaux d’une démolition permet d’avoir une vision globale sur les cycles de vie des bâtiments et de faire des choix plus éclairés », a-t-il souligné.

Enfin, pour appuyer ces recommandations, le guide encourage la mise en place d’un soutien financier et économique à plusieurs paliers gouvernementaux ainsi que le développement d’une réglementation agile et accessible, qui soit plus adaptée aux projets de rénovation.