La saison des prix littéraire bat son plein. Les bandeaux rouges ornent déjà les livres primés. Mais quels sont les critères et l’histoire de ces prix qui font la pluie et le beau temps dans le monde de l’édition? Petit survol.
Le Goncourt : le prestigieux
Le 2 novembre dernier, le Goncourt a été décerné à Alexis Jenni pour son premier roman L’art français de la guerre (Gallimard), qui raconte l’histoire d’un peintre vétéran du maquis, d’Indochine et d’Algérie.
Le jury du Goncourt est composé de dix écrivains qui procèdent en trois rondes éliminatoires pour ne retenir que quatre romans et finalement le grand vainqueur. Depuis 2008, une nouvelle règle interdit aux jurés d’être salariés dans le monde de l’édition et les oblige à quitter leur poste à l’âge de 80 ans.
Des critiques littéraires ont parfois reproché à l’Académie Goncourt de louper le meilleur roman de l’année. On pense notamment à Confidence pour confidence de Paule Constant, qui a remporté le prix en 1998 alors que la critique avait démoli le roman. Autre exemple plus frappant, en 1932, Céline était donné favori pour Voyage au bout de la nuit, mais Guy Mazeline a gagné le Goncourt pour Les loups, un roman aujourd’hui tombé dans l’oubli. (Anh Khoi Do)
le Prix Médicis : le prix de l’avant-garde
«Ce qui différencie le Médicis, c’est qu’il cherche à révéler de nouveaux talents, alors que le Goncourt consacre des auteurs déjà connus», affirme Dominique Fernandez, président du jury. Depuis 1958, son jury couronne annuellement l’auteur d’un roman français méconnu «dont la renommée ne correspond pas au talent».
Malgré l’étiquette avant-gardiste que revendique ce prix, certains lecteurs critiquent sa sélection dominée chaque année par les grandes maisons d’édition françaises telles Gallimard, Grasset, Seuil et Stock.
Le 4 novembre dernier, Gallimard a pu ajouter à sa collection un douzième Médicis dans la catégorie Roman français. Mathieu Lindon a gagné le prix pour son roman Ce qu’aimer veut dire, paru chez P.O.L. Éditeur, une filiale de Gallimard. La maison d’édition a remporté également le prix Essai avec Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson.
Le Médicis est souvent associé au prix Femina. Avant 2008, le jury annonçait son verdict lors d’un évènement commun à l’Hôtel de Crillon. Pour tenter de se distancier de l’association faite entre ces deux prix, le Médicis présente maintenant ses prix à l’Hôtel Lutetia et dévoile ses lauréats trois jours plus tard. En 1970 et 1985, le jury a ajouté les catégories de roman étranger et d’essai. (Justin Doucet)
Le Prix Femina : un prix féministe et méritocrate
Crée en 1904, le prix Femina est né de la volonté de présenter une alternative féministe au Goncourt, un prix décerné par des hommes à des hommes. C’était une réponse au fait qu’en 1904, neuf jurés du Goncourt sur dix n’avaient pas osé remettre le prix à Myriam Harry pour La conquête de Jérusalem, malgré son succès critique et public.
Le 7 novembre dernier, c’est Simon Liberati qui a remporté le prix pour Jayne Mansfield 1967 (Grasset), un roman acclamé, qui suit la descente aux enfers d’une actrice américaine. Preuve que le Femina symbolise surtout la lutte pour l’égalité des sexes, dès 1905, les douze femmes qui composent le jury ont remis le prix à Romain Rolland, qui est devenu alors le premier homme à le recevoir, pour son roman Jean-Christophe.
La querelle de clocher avec le prix Goncourt se poursuit pourtant aujourd’hui. Chacun veut être le premier à annoncer son prix. Depuis 2000, les deux institutions ont conclu un accord: l’ordre d’attribution des deux prix alterne d’une année à l’autre. Ce que les jurés du Goncourt n’ont pas respecté en 2003, en annonçant la remise du prix à Jacques-Pierre Amette avant l’annonce du Femina. (Anh Khoi Do)
Le Renaudot : le prix de l’autre meilleur roman
Après l’annonce du gagnant du Goncourt, le prix Renaudot a été décerné le 2 novembre dernier à Emmanuel Carrère pour son roman Limonov (P.O.L, Gallimard), qui relate la vie du communiste russe Édouard Limonov.
Dès sa création en 1926 par dix critiques littéraires, le Renaudot se veut le complément du Goncourt. Les critiques attendent la délibération du Goncourt pour annoncer l’autre meilleur roman de la rentrée littéraire. Sauf exception, les gagnants du Renaudot sont toujours en lice pour le Goncourt.
Le Renaudot n’est pas lui non plus à l’abri des controverses. Irène Némirowsky, morte en 1942 dans l e c amp de conc ent r a t ion na z i d’Auschwitz, avait remporté le Renaudot pour son roman Suite française… en 2004. Cette consécration va pourtant à l’encontre des règles du Renaudot qui interdit la nomination de romans publiés à titre posthume. De plus, en 2007, Daniel Pennac a remporté le prix pour son roman Chagrin d’école alors qu’il ne figurait pas sur la liste des nommés. (Anh Khoi Do)