Pourquoi l’ASSÉ est-elle toujours fâchée contre FEUQ ?

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Par Charles Lecavalier
mardi 19 avril 2011
Pourquoi l'ASSÉ est-elle toujours fâchée contre FEUQ ?

En 2011, le gouvernement Charest planifie une hausse de 1625 $ sur cinq ans les droits de scolarité. Entre FEUQ, FECQ, ASSÉ, le mouvement étudiant tarde à s’unir. Pourquoi cette division ? retour pour tenter de comprendre le futur.

Nous sommes en 2004, un an après l’élection de Jean Charest comme premier ministre du Québec. Le nouveau ministre de l’Éducation, Pierre Reid, annonce que 103 millions de dollars par année sont coupés du programme de prêts et bourses des étudiants au Québec.

Les étudiants réagissent et se mobilisent. La CASSEE (une coalition formé autour de l’ASSE créée spécialement en 2005), la FEUQ et la FECQ fourbissent leurs armes pour protester contre la décision du gouvernement. Le 16 mars 2005, près de 230 000 étudiants sur les 450 000 que comptent les établissements postsecondaires de la province sont en grève. Environ 80 000 étudiants, membres de toutes associations étudiantes confondues, marchent pacifiquement dans les rues de Montréal.

Malgré cette mobilisation de près de la moitié des étudiants du Québec, les relations sont tendues entre la FEUQ et la CASSEE, un regroupement étudiant formé autour de l’ASSE pour la durée de la grève.

La CASSEE ne peut pas négocier

Au tout début de la grève, le ministre de l’Éducation demande aux fédérations étudiantes de répudier l’usage de la violence. La FEUQ et la FECQ acceptent immédiatement, mais pas la CASSEE. Le gouvernement refuse par la suite de négocier avec le regroupement étudiant de gauche. À partir de ce moment, la CASSEE soupçonne la FEUQ de négocier dans son dos.

«Il est clair que le ministre de l’Éducation use d’un prétexte — la violence — afin d’éloigner de la table de négociation la CASSEE, espérant ainsi négocier avec des intervenants et des intervenantes ayant une plate-forme de revendications beaucoup plus restreinte et étant éventuellement prêts et prêtes à accepter une entente au rabais », affirme le 18 mars 2005 Xavier Lafrance, alors porte-parole de la CASSEE.

Mais les objectifs des deux regroupements ne sont pas les mêmes. «L’immense rapport de force que le mouvement étudiant a réussi à construire par rapport au gouvernement durant la session permet d’espérer des gains beaucoup plus significatifs qu’un réinvestissement de 103 millions de dollars et rend tout à fait inacceptable l’acceptat ion d’une entente au rabais», dit alors Héloïse Moysan- Lapointe, une autre porte-parole de la CASSEE.

Quant à la FEUQ, elle souhaite «un deal réaliste, un gain réel pour les étudiants. Nous voulions aller chercher les 103 millions qui manquaient », explique aujourd’hui Pierre-André Bouchard Saint-Amant, président de la FEUQ en 2005 et doctorant en sciences économiques à l’Université Queens.

Hostilité

Le 24 février 2004, l’ASSE écrit déjà que «la FEUQ ne fait que défendre un système d’éducation élitiste qui est de plus en plus réservé à ceux et celles qui peuvent bien se le payer. […] Elle ne fait que défendre les intérêts de la minorité des étudiantes et étudiants privilégiés et restreindre l’accessibilité aux études postsecondaires.»

L’hostilité entre les deux regroupements remonte à bien avant 2005. La grève vient exacerber la situation. «LCN nous avait mis en ondes face à face avec l’ASSE, se rappelle M. Bouchard Saint-Amant. Nous nous criions après. Ce n’était pas très constructif…»

Les choses dégénèrent le 1er avril 2005. La FEUQ et la FECQ négocient alors une entente avec le gouvernement libéral. Il y aura réinvestissement dans le programme des prêts et bourses. Les 103 millions ne seront pas récupérés en 2004-2005, mais seulement en 2006-2007, et ce, grâce à la fondation des bourses du millénaire.

La FEUQ demande à ses membres d’appuyer l’entente. La FECQ la « juge satisfaisante », tout en refusant de dire à ses membres de l’appuyer. Sans surprise, la CASSEE rejette l’offre.

La proposition est vue par la FEUQ comme étant finale. « Le danger, c’était qu’on croyait que le mouvement de grève allait s’essouffler, explique en rétrospective M. Bouchard Saint-Amant. Si on ne saisissait pas l’offre à ce moment, on risquait de tout perdre.»

Ressac anticipé

M. Bouchard Saint-Amant s’attendait à un ressac de la part de ses membres plus militants en leur demandant de cesser la grève. Il avait évalué que cette décision donnerait à la FEUQ l’image d’une briseuse de rêve technocrate. Et il avait raison. À la suite de l’entente avec le gouvernement, la CADEUL (l’association étudiante de l’Université Laval), la SSMU (l’association étudiante de l’Université McGill) et une association d’étudiants de l’UQAM quittent la FEUQ.

Malgré tout, la recommandation de la FEUQ était un calcul politique afin de ménager la FECQ. «C’est aussi ce qui explique pourquoi la FECQ était “neutre” alors que la FEUQ “recommandait” l’entente à ses membres, remet en contexte M. Bouchard Saint-Amant. Le calcul étant qu’une telle approche minimisait les pertes institutionnelles pour les deux organisations. Bref, la FEUQ a “pris la balle”, notamment pour garder la FECQ en santé.»

Selon l’ancien président, les frustrations des grévistes insatisfaits de la fin hâtive du mouvement sont compréhensibles, mais l’ont laissé indifférent. «Je ne regrette rien et je ferais tout de la même façon», dit celui qui a été entarté à la fin de son mandat, alors qu’il participait à une manifestation contre Jean Charest à la fin avril.

Cette fin en queue de poisson en aura tout de même déçu plus d’un. Michel Venne, directeur de l’Institut du Nouveau Monde, offre un avis extérieur dans une lettre ouverte publiée le 18 avril 2005 dans les pages du Devoir : «Les accusations de traîtrise à l’endroit de la FEUQ et de la FECQ sont injustes. Au lieu de mobiliser les jeunes, ceux-ci nourrissent le cynisme. Ils donnent l’impression que la grève a été inutile et qu’il n’y a de juste combat que le combat sans merci.»

Si les étudiants veulent offrir une véritable résistance au gouvernement québécois dans l’année qui vient, le cynisme n’aura pas sa place dans le débat.

Frustration encore présente

Six années plus tard, l’amertume persiste du côté de l’ASSE. «Il y a des gens qui ont été amèrement déçus… qui ont été détruits en 2005. Ça va nous aligner pour le futur», a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l ASSE, l e 30 mars… 2011, lors d’une discussion à l’UdeM sur les stratégies pour lutter contre la hausse des frais de scolarité, en présence de représentants de la FAECUM, de la FEUQ et de l’ASSE.

Après six années, le mouvement étudiant devrait-il passer à autre chose ? C’est l’opinion de Stéfanie Tougas, nouvelle secrétaire générale de la FAECUM. « Il faut mettre ça derrière nous, explique-t-elle. Oui , ça s’est passé . Arrangeons-nous pour que ça n’arrive plus.»

Source : Wikipédia

Quant à Louis-Philippe Savoie, actuel président de la FEUQ, en affirmant qu’il souhaite «le meilleur deal pour les étudiants », il répète les mêmes lignes que Pierre-André Bouchard Saint-Amant six ans plus tôt. M. Bouchard Saint-Amant analyse aujourd’hui que de voir la FEUQ et l’ASSE à la même table est déjà une belle promesse pour l’avenir.