Portrait d’un artiste engagé : Ogden, le refus de l’étiquette

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Par Didier Charette
mardi 7 février 2012
Portrait d'un artiste engagé : Ogden, le refus de l'étiquette

Exit les chapeaux fleurdelisés et les propos revendicateurs à la Loco Locass, le rap québécois accueille maintenant Ogden, bête de scène du groupe natif de Québec, Alaclair Ensemble. Armé de sa poésie abstraite, de ses références culturelles sombres et de son drapeau du Bas- Canada, il s’approprie le discours nationaliste. Portrait.

Le rappeur Ogden en transe sur scène avec son chandail du Bas-Canada (Crédit photo : Ogden).

Revendiquer l’indépendance du Bas-Canada en 2012 témoignerait d’une absurdité pour plusieurs. Pour Ogden Ridjanovic, né au Québec de parents bosniaques, c’est une façon de faire un retour sur l’histoire du Québec.

«Pèlerinage à Côte-Nord à ch’val / M’en va checker l’aut’bord s’ils y ont pas des sages-femmes », « Il nous reste un bon Jack, mais il est pogné contre la bunch », « Plein l’casque du baratin fédéral », scande-t-il avec un flow assuré sur sa chanson « Le magicien », pièce maîtresse de son jeune répertoire. «Je n’ai pas envie de répéter le discours qui existe déjà sur l’identité culturelle québécoise», avoue l’exétudiant en études françaises à l’Université McGill.

En effectuant des recherches sur les Patriotes, Ogden est tombé sur la biographie de Robert Nelson, un patriote anglophone souvent oublié de l’histoire, mais qui a rédigé la Déclaration d’indépendance du Bas- Canada en 1838. « Le premier à l’écarter de notre histoire a été le clergé catholique parce que Nelson prônait une séparation claire entre l’Église et l’État», affirme le rappeur.

Tout de suite, il s’est reconnu en lui. « Robert Nelson voulait que le Bas-Canada ait sa propre identité, une identité qui ne serait pas basée sur une langue ou une ethnie, mais plutôt sur une série de valeurs et de réalités communes.» Malgré les apparences, Ogden refuse l’étiquette d’artiste engagé. «Dire qu’il y a des artistes engagés serait affirmer qu’il y en a qui ne le sont pas, affirme-t-il. Je ne crois pas à ça. Nous sommes tous les produits d’une société qui nous entoure. »

Pour imager son propos, il donne l’exemple du rappeur américain 50 Cent. « La plupart des gens diraient que ce qu’il fait n’est pas engagé. Pourtant, le message qu’il véhicule à travers sa musique vient de sa réalité et est présent dans notre société. »

Selon Ogden, classifier l’art, c’est se tirer dans le pied. L’exemple classique de chez nous serait Loco Locass, selon lui. «Si le groupe sortait une chanson n’ayant aucun rapport avec la politique ou l’identité québécoise, on le leur mettrait assez vite sous le nez». Il préfère se définir de façon authentique, comme un artiste avec des intérêts sociaux.

Ogden ne refuse pas seulement l’étiquette d’artiste engagé, il refuse aussi d’être engagé par une maison de disques. Alaclair Ensemble, le collectif dont il fait partie, compte maintenant quatre albums, tous offerts gratuitement sur son Bandcamp. «Nous ne sommes pas intéressés à avoir les obligations d’une compagnie, précise Ogden. À mon sens, sortir un album en magasin pourrait limiter le nombre d’auditeurs.»