Culture

La marche du 30 novembre a marqué un arrêt à la Place du 6-décembre-1989, située à quelques pas de l'UdeM. Photo : courtoisie André Querry

Polytechnique : marcher pour mieux se souvenir

« L’objectif était de créer une marche à travers le temps, explique l’une des coorganisatrices des marches, Louise Vigneault. C’est pourquoi on a fait la marche en deux parcours, ponctués de prises de parole et aussi de performances. Les gens ont répondu à l’appel : une cinquantaine de personnes sont venues le 16 novembre, et environ 70 à la marche du 30 novembre. » Mme Vigneault, qui est professeure agrégée au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM, estime donc que les objectifs des marches ont été atteints.

Une autre coorganisatrice et professeure adjointe au même département de l’UdeM, Ersy Contogouris, abonde dans le même sens. « Les gens étaient très généreux de leur temps et de leurs contributions, souligne-t-elle. Ils sont venus en grand nombre. » Elle dit avoir été particulièrement touchée par la performance de l’artiste Claudia Bernal, réalisée à la Maison de la culture Côte-des-Neiges, par où a cheminé la marche du 30 novembre.

Le fil rompu

Selon Mme Vigneault, la performance de Mme Bernal évoquait le lent et constant travail manuel auquel les femmes ont été réduites, en enroulant et en déroulant une pelote de ficelle rouge. « Cet élément symbolique, qui rappelle à la fois le mythe de Pénélope* et la violence faite aux femmes, référait également au fil souvent inachevé ou rompu de leur existence », précise-t-elle.

La sœur de l’une des victimes a prononcé un discours sur la place du 6-décembre-1989, et la comédienne Claudia Hurtubise a invité le public à la suivre dans l’allée centrale de la place, le long des stèles commémorant chacune des 14 victimes, pendant qu’elle énonçait leur nom, leur âge et un verbe d’action les représentant. « Le public était invité à répéter les noms au fur et à mesure, ajoute Mme Vigneault. Des intervenants “porteurs de lumière” […] issus de diverses générations et cultures venaient chaque fois déposer une lumière sur la stèle. »

 

La Ville de Montréal a récemment remplacé le panneau de la Place du 6-décembre-1989, qui fait maintenant état d'un "attentat antiféministe". Photo : courtoisie André Querry
La Ville de Montréal a récemment remplacé le panneau de la Place du 6-décembre-1989, qui fait maintenant état, pour la première fois, d’un « attentat antiféministe ». Photo : courtoisie André Querry

 

Un enjeu qui perdure

Mme Contogouris rapproche ces deux marches montréalaises d’autres manifestations organisées récemment en France, en Espagne, en Inde et dans plusieurs autres pays, pour dénoncer la violence faite aux femmes. « Ce sont des enjeux qui continuent, affirme la professeure. C’est un mouvement montréalais, qui est aussi mondial. J’ai trouvé très fort le fait de prendre possession de la ville, en marchant d’un endroit à l’autre, pour se souvenir de ces femmes qui ont été effacées par l’histoire. On a pu transmettre des choses importantes à travers ces marches. » La professeure, dont un ami proche a perdu sa petite-amie lors de l’attentat, ajoute qu’il était important, pour elle et les autres organisatrices, que ces évènements commémoratifs soient à la fois politiques, artistiques et solidaires.

* Dans la mythologie grecque, et particulièrement dans l’Odyssée d’Homère, Pénélope est présentée comme la femme fidèle par excellence.

 

"La métamorphose d'Icare" (1987), de l'artiste Claire Sarrasin. Cette oeuvre est installée à la station de métro Parc, par où transitait marche du 30 novembre. Photo : STM.info
« La métamorphose d’Icare » (1987), de l’artiste Claire Sarrasin. Cette oeuvre est installée à la station de métro Parc, par où a transité marche du 30 novembre. Photo : STM.info

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