Volume 22

Police électronique

La Cour suprême du Canada a rendu le 11 décembre dernier une décision dans l’affaire  R. c. Fearon. Celle-ci autorise maintenant les policiers à procéder à la fouille d’un téléphone cellulaire lors d’une arrestation, si les circonstances sont urgentes, concernent la sécurité du public ou comportent un risque important de destruction de preuves.

Des preuves numériques

L’affaire R. c. Fearon commence en 2009.  En enquêtant sur un cambriolage, des policiers torontois ont procédé à l’arrestation de deux hommes. Lors de la fouille règlementaire, ils ont trouvé un cellulaire non protégé par un mot de passe. En examinant le contenu du téléphone, les policiers ont découvert dans les messages texte la photo d’un des suspects, arme à la main, ainsi qu’un message faisant référence à un vol.

Sur la base de cette photo, les policiers ont ensuite obtenu un mandat de perquisition pour procéder à la fouille de l’ensemble du cellulaire, ainsi que de la voiture du suspect qui contenait l’arme en question. C’est ce premier cas de figure qui permet aujourd’hui aux policiers d’utiliser les informations contenues dans un cellulaire, comme ils pourraient le faire avec un portefeuille ou tout autre objet qu’un suspect porte sur lui au moment de son interpellation.

L’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés mentionne que « chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives ». Une saisie peut être jugée abusive si elle ne respecte pas les attentes raisonnables de protection de la vie privée d’une personne. A titre d’exemple, la Cour suprême du Canda a estimé en 2009, qu’une personne qui dépose ses ordures sur le chemin ne peut pas légitimement invoquer le droit à la vie privée pour demander le rejet de la preuve trouvée dans les ordures sous prétexte que la police ne disposait pas d’un mandat de perquisition.

Ce que dit la décision

Dans la décision, la Cour Suprême estime que la fouille d’un cellulaire lors d’une arrestation n’est pas contraire à la Charte, si les règles suivantes sont respectées :

–          L’arrestation doit être légale,

–          La fouille doit être faite rapidement après l’arrestation,

–          La recherche de preuves effectuée lors de la fouille doit être en lien avec l’enquête en cours,

–          Les policiers devront documenter la fouille, c’est-à-dire consigner de manière détaillée la façon dont ils ont procédé à l’inspection du cellulaire.

Ce qu’il faut retenir de cette affaire, c’est que la Cour Suprême donne à la police le droit de fouiller un téléphone cellulaire sans mandat.  

Ce qui pose problème ici, n’est pas tant la fouille du téléphone dans le cadre d’une enquête. Il s’agit davantage de la fouille sans mandat, comme l’indique la juge dissidente Andromecha Karakatsanis. « Généralement, les policiers peuvent saisir un téléphone accessoirement à une arrestation pour préserver les éléments de preuves, mais ils doivent obtenir un mandat avant de pouvoir fouiller le contenu de l’appareil », explique la juge.

Risques de dérives

Les réponses aux questions de vie privée ne sont pas absolues, elles sont toujours à regarder en fonction d’une situation donnée, pour apporter un équilibre entre la protection du public et le droit au respect à la vie privée d’un individu. Or, pour les policiers il existe dans ce genre de situation un risque de dérive.  Cette démarche qui doit normalement être validée par un juge laisse libre cours au jugement du policier qui peut parfois manquer de recul sur la situation. Ici, rien n’est mis en place pour assurer la conformité d’une telle fouille avant de l’effectuer.

Pour la population, le risque d’atteinte à la protection des renseignements personnels est grandement augmenté par ce genre de fouille. L’augmentation constante des possibilités qui sont offertes par les téléphones intelligents et les applications qu’ils contiennent représente une source de renseignements personnels importante.  Il convient de les protéger pour assurer le droit au respect de la vie privée des individus, droit dont l’État lui-même est le garant.

 

 

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