Podz dans le no man’s land

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Par Xuan Ducandas
mardi 15 janvier 2013
Podz dans le no man’s land
Podz lors du tournage de L'Affaire Dumont Gracieuseté: Alliance Films
Podz lors du tournage de L'Affaire Dumont Gracieuseté: Alliance Films

Le réalisateur Podz, alias Daniel Grou, était présent à l’UdeM dans le cadre de la projection de L’Affaire Dumont au Ciné-Campus en décembre dernier. En entrevue, il se confie sur la démarche sociale et artistique derrière le succès au box-office, soit l’exploration des multiples facettes de la notion de vérité.

 

Quartier Libre : Quel est le style de Podz ?

Podz : Je suis dans le no man’s land entre films d’auteur et succès commerciaux .Je pense que je fais des films d’auteur. Ce ne sont pas des gros films d’action, mais ce sont des projets qui pognent, alors ils ne savent pas encore trop où me mettre. On verra au prochain film. Le tournage débutera au printemps. Il devrait sortir probablement fin 2013, début 2014.

 Q. L. : Quel est le propos central de l’Affaire Dumont ?

P. : C’est une analyse du système de justice. En même temps, j’explore la façon dont l’amour franc et profond entre Michel Dumont et sa deuxième compagne, Solange Tremblay, est né à cause de cette injustice, et comment les deux s’en nourrissent. J’essaie aussi d’explorer ce qu’est la nature de la vérité au cinéma. Comment rendre cet évènement- là le plus vrai possible à l’écran ? Quand j’intègre au film l’extrait d’Enquêtes, montrant les vrais protagonistes, ressentez-vous une plus pure vérité que lorsque je montre Solange et Michel joués par Marilyn Castonguay et Marc-André Grondin? J’essaie d’analyser le regard posé sur un évènement, sur les images.

 Q. L. : Après la sortie du film, le regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuelle (CALACS) a déploré que la violence du système judiciaire à l’égard des victimes soit moins trai tée au cinéma que les affaires d’erreurs judiciaires. Qu’en pensez-vous ?

P. : Je comprends cette réaction. Je suis conscient qu’il y a beaucoup de femmes qui ont subi des violences et qui n’osent pas dénoncer leur agresseur. Si j’ai l’occasion, à un moment donné, de raconter l’histoire d’une femme qui a vécu ça et que c’est intéressant cinématographiquement, je vais le faire. Mais, ce n’était pas le propos du film. L’idée était de montrer qu’une injustice peut arriver à chacun de nous et aussi de montrer la manière dont ce système judiciaire- là protège l’incompétence. Je pense qu’on n’a pas le droit d’être incompétent quand on défend les gens. J’ai peur du système de justice et de l’autorité. C’est pour ça que je fais des films là-dessus, pour essayer de comprendre .

 Q. L. : Quel rapport entretenez-vous avec la violence au cinéma?

P. : Je ne veux pas montrer de la violence gratuite. Il faut qu’il y ait un but émotif conséquent avec l’histoire. Dans L’Affaire Dumont, j’aurais pu verser dans la violence, mais l’homme qu’on voulait mettre en scène est un homme qui n’est pas capable de parler, de dealer avec ses émotions, un gars renfermé. C’était intéressant de mettre en scène un antihéros pur. Il n’est pas héroïque du tout, c’est sa femme qui l’est.

 Q. L. : Tous vos films abordent des thématiques similaires, est-ce un choix délibéré ?

P. : Mes trois films parlent d’emprisonnement, de gens pris dans une situation qu’ils ne contrôlent pas, soumis à des forces plus grandes qu’eux. J’imagine que ça me rejoint si j’ai choisi ces projets-là et si je les mets en scène comme ça. Ça a commencé par accident, mais c’est devenu une thématique. Mon prochain film continuera dans la même veine, mais d’une autre façon. Ce sera peut-être plus humain, plus chaleureux.

 Q. L. : Avez-vous des in fluences cinématographiques ?

P. : Stanley Kubrick, comme tout le monde, et Bergman, surtout pour l’émotion. Je regarde de moins en moins de films, je vais de moins en moins au cinéma. Avant, pour chaque projet, je regardais une série de films desquels je m’inspirais beaucoup. Maintenant, j’y vais juste avec ce que je ressens, je m’inspire de la réalité. C’est fascinant ce que tu peux faire avec un cadre, ce que tu peux mettre à l’intérieur et ce que tu suggères à l’extérieur. C’est ça qui me motive le plus en ce moment, ce que je choisis de montrer et de ne pas montrer. Je fais beaucoup plus de choix qu’avant. Et, je suis content de ça. Je pense que c’est sain.