Plus verte, la tablette ?

icone Societe
Par Sophie Arbour
vendredi 24 avril 2015
Plus verte, la tablette ?
Bien que la plupart des étudiants se soucient des risques environnementaux de l’industrie forestière et de l’utilisation du papier, peu d’entre eux savent que les composantes de leur tablette sont aussi très polluantes.
Bien que la plupart des étudiants se soucient des risques environnementaux de l’industrie forestière et de l’utilisation du papier, peu d’entre eux savent que les composantes de leur tablette sont aussi très polluantes.
Les manuels et supports électroniques sont de plus en plus populaires dans les salles de classe et sont souvent perçus comme étant plus respectueux de l’environnement que l’imprimé. Plusieurs géologues attirent cependant l’attention du grand public sur les enjeux reliés à l’extraction des matériaux nécessaires à leur fabrication.
« Les éléments radioactifs découverts pendant l’extraction ont un niveau de radioactivité plus concentré que ce qu’on trouve habituellement, mais moins que ce qui est considéré comme dangereux. »
Kevin Wilkinson, Professeur titulaire au Département de chimie de l’UdeM

Lorsqu’il s’agit d’adopter un comportement plus écologique, la lecture sur support électronique a la cote auprès des étudiants. « Je trouve que l’action d’imprimer est moins écolo, affirme l’étudiante en année préparatoire en arts et sciences à l’UdeM Noémy Morneau. Si je peux sauver des feuilles, je vais le faire en utilisant l’électronique. Le journal, par exemple, j’aime mieux le lire directement sur la page web. »

La fabrication d’appareils électroniques nécessite toutefois des ressources. Les éléments de terres rares (ÉTR) font partie des matériaux qui entrent dans leur fabrication. « Ce sont surtout leurs propriétés électriques et magnétiques qui rendent les ÉTR attrayants, explique l’étudiant à la maîtrise en génie des mines à l’Université Laval Jean-FrançoisBoulanger. Les aimants et les piles fabriqués avec ces éléments sont, pour le même poids ou volume, les plus puissants. » La petitesse et la légèreté des batteries sont notamment des qualités recherchées pour les tablettes et les téléphones intelligents.

À la suite de son extraction, le minerai qui contient l’ÉTR est broyé et mélangé à de l’eau. Les propriétés magnétiques des ÉTR permettent ensuite de le séparer des autres éléments en utilisant un aimant. « Un acide est habituellement ajouté au concentré d’ÉTR, expose Jean-François. Cet acide va décomposer le minerai d’ÉTR pour en faire une solution. »

Jean-François estime qu’en Amérique du Nord, on se départit de ces acides de manière adéquate. « Avant d’être envoyées au parc à résidus, les solutions acides générées lors de l’extraction sont neutralisées avec de la chaux, affirme-t-il. Cela vise notamment à rendre les contaminants solides afin qu’ils se sédimentent dans le parc à résidus. Ce procédé de contrôle des rejets fait déjà partie de l’opération de toutes les usines. »

Importation

Cependant, une grande partie des ces matériaux est importée. « Les principaux gisements exploités sont en Chine, précise Jean-François. Le plus important étant Bayan Obo, près de la frontière mongole. » La Société chinoise des terres rares affirme que la production d’ÉTR rejette dans l’air des gaz contenant notamment de l’acide sulfurique et du soufre ainsi qu’une importante quantité de déchets radioactifs. De plus, les bassins de déversement des produits chimiques utilisés pour l’extraction peuvent être situés à proximité de villages et de communautés agricoles.

La difficulté d’accès à certaines données rend difficile l’évaluation de l’impact environnemental. Le professeur titulaire au Départe­ment de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux à l’Université Laval Claude Bazin relève de son côté la difficulté d’estimer la quantité d’eau fraîche utilisée par l’industrie. « Du point de vue des opérations de séparation des éléments de terres rares, on ne sait pas grand-chose sur la consommation d’eau puisque les procédés de séparation sont confidentiels , explique-t-il. Les bilans d’eau ne sont connus que des producteurs. »

Qui plus est, les minerais qui contiennent des ÉTR contiendraient aussi des éléments radioactifs. « Les éléments radioactifs découverts pendant l’extraction ont un niveau de radioactivité plus concentré que ce qu’on trouve habituellement, mais moins que ce qui est considéré comme dangereux , affirme toutefois M. Wilkinson. Pour cette raison, les réglementations habituelles n’exigent pas que les compagnies disposent de ces éléments d’une façon particulière. »

Une demande croissante

L’étudiant à la maîtrise en philosophie à l’UdeM Xavier Boileau estime qu’une utilisation restreinte des appareils électroniques pourrait réduire les répercussions environnementales négatives. « Je pense que si on les utilise sur le très long terme, c’est plus écologique, exprime-t-il. Mais de façon générale, ce n’est pas comme ça qu’on les utilise. » Selon l’organisme USGS, la consommation mondiale d’ÉTR augmenterait de 5 % par année. Sa production mondiale, quant à elle, s’élèverait à 110 000 tonnes pour l’année 2014. Outre les appareils électroniques du quotidien, on utilise les ÉTR pour la confection des moteurs de voitures électriques et des piles d’éoliennes.

11