Plus jeune la ville

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Par Romeo Mocafico
lundi 29 avril 2019
Plus jeune la ville
Crédit photo Benjamin Parinaud
Crédit photo Benjamin Parinaud
Comprendre et mettre en valeur le discours des 12-17 ans sur leur approche de la ville est l’un des objectifs du projet de recherche-action Grandir avec la ville, mené par le vice-doyen de la Faculté de l’aménagement de l’UdeM, Juan Torres. Le professeur estime que les projets d’urbanisme gagneraient à considérer et à valoriser le point de vue des plus jeunes citoyens.

Quartier Libre : Quels sont vos axes de recherche ?

Juan Torres : Je m’intéresse à la relation entre la ville et les jeunes. Je cherche à savoir comment la ville peut être plus accueillante, plus adaptée, plus stimulante pour les personnes qui ne sont pas adultes. Ils sont souvent exclus physiquement de la ville, mais ils sont aussi souvent exclus du processus de prise de décision.

Q.L. : Pourquoi faire participer les jeunes ?

J.T. : Comme chez les adultes, il y a une grande diversité de regards chez les jeunes. Leur point de vue est utile, car ils peuvent nous apprendre des choses et avoir des idées. À l’intérieur de ce groupe, il y a un énorme écart interne d’habitudes, de pratiques, d’intérêts et d’aspirations, ne serait-ce que par leur âge. Cette considération des jeunes comme acteurs actuels et membres de la communauté est d’ailleurs très formatrice pour l’ensemble de la communauté. Être jeune en 2019, c’est différent de l’avoir été il y a 20 ans.

Q.L. : Quelles sont leurs principales préoccupations ?

J.T. : Elles sont souvent de l’ordre de l’inclusion. Ils veulent sentir qu’ils font partie de la ville, et pas uniquement être confinés à un espace bien précis à certains horaires, comme le parc ou l’école. C’est important de les impliquer dans des décisions qui vont au-delà, qui concernent l’habitation, le transport, l’équipement, car eux aussi sont confrontés à toutes sortes d’autres environnements.

Q.L. : De quand datent ces pratiques ?

J.T. : Dans les années 1960 et 1970, les urbanistes s’inquiétaient de l’exclusion de plusieurs groupes. En 1989, la Convention relative aux droits de l’enfant a été adoptée par la communauté internationale. Elle fait référence à la participation des enfants dans les décisions qui les concernent, et notamment en urbanisme. Ça a été confirmé par le sommet de Rio en 1992, où on revenait sur l’importance de prendre en compte leur point de vue. On voit de moins en moins leur participation comme une exception, même si à l’échelle de tous les projets d’urbanisme que l’on entreprend, cela reste rare et marginal.

Depuis, on a théorisé le concept « d’urbanisme scolaire » : en plus de prendre l’école dans la planification urbaine, il s’agit d’inclure dans les programmes scolaires des activités qui permettent de comprendre ce qu’est la communauté, un quartier, la ville, ce qui la rend plus juste et équitable.

Q.L. : Qu’en est-il au Québec ?

J.T. : Depuis l’adoption de la Politique de l’enfant en 2016, beaucoup de démarches ont été mises en place par les municipalités et les arrondissements, et en particulier à Montréal. On en a même à l’échelle de la province, avec le programme Municipalité ami des enfants*, qui fête ses dix ans cette année. C’est devenu une accréditation, un label que les municipalités cherchent à obtenir.

Q.L. : Cela mène-t-il à des projets concrets ?

J.T. : Au début des années 2000, avec le projet Grandir à Montréal-Nord, on a consulté plusieurs groupes d’enfants de l’arrondissement. Les résultats ont permis de donner aux firmes professionnelles d’aménagement un cahier des charges avec les idées et le point de vue des enfants pour aménager certains espaces clés. Je travaille également depuis quelques années avec la fondation du Grand Montréal qui va aussi dans ce sens.

Plus récemment, j’ai démarré le projet Grandir avec la ville pour voir comment la relation des enfants avec cette dernière évolue durant leurs années de secondaire.

Q.L. : Quelles sont les limites de la participation des jeunes ?

J.T. : Ce sont les mêmes que n’importe quels autres acteurs. Dans les propositions que l’on fait, on est tributaires de nos expériences individuelles. C’est difficile d’imaginer quelque chose que l’on ne connaît pas, surtout pour l’ensemble de la communauté.

Avec les jeunes, on doit souvent réfléchir à leurs propositions plus en profondeur. Par exemple, quand un enfant explique qu’il veut un McDonald’s, il faut savoir décrypter. Dans ce cas-ci, on peut comprendre un espace ouvert 24 heures/24, avec du Wi-Fi gratuit, un staff jeune. Il y a tout un volet pédagogique. * Initiative issue du programme Villes amies des enfant, une reconnaissance internationale mise sur pied par l’UNICEF dans le but d’inciter les municipalités à intégrer le droit des enfants dans leurs politiques.