Société

Plus de docteures que de docteurs au Québec, mais les inégalités de genre persistent.

Les universités québécoises ont décerné 69 990 diplômes de premier cycle et de cycles supérieurs en 2021, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Ce chiffre record est en augmentation de 11,8 % par rapport à 2020.

Les données, présentées dans un communiqué de l’ISQ le 26 septembre dernier, sont issues d’une étude longitudinale menée entre 2011 et 2021. L’un des faits saillants démontre que parmi les diplômé·e·s de troisième cycle, 51 % sont des femmes. Une première au Québec.

« On s’attendait à ce que ça arrive, puis c’est arrivé, témoigne le professeur au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Pierre Doray. C’est le résultat de changements à long terme au niveau des structures éducatives et d’une mobilisation sociale [féminine] et scolaire qui a incité les filles à poursuivre leurs études. »

« Je suis contente de voir ce constat, se réjouit la professeure à l’École de relations industrielles de l’UdeM et spécialiste des questions en lien avec les discriminations systémiques en matière d’emploi Marie-Thérèse Chicha. Maintenant, l’objectif, c’est d’atteindre et de maintenir une égalité. 51 %, c’est bien, mais à condition d’éliminer la ségrégation selon les catégories de disciplines : sciences sociales d’une part et physique, maths, informatique, etc. d’autre part. »

Une « ségrégation » genrée

Dans son rapport, L’ISQ démontre que les femmes sont minoritaires parmi les diplômé·e·s en sciences, technologie, génie et mathématiques (STGM) au Québec, et ce, quel que soit le cycle d’études.

Bien que les données indiquent une légère progression féminine dans ces domaines entre 2011 et 2021 aux premier (1,4 %) et troisième cycles (5,3 %), le milieu éducatif témoigne toujours d’inégalités entre les hommes et les femmes. « Il y a encore une ségrégation au niveau du choix du domaine d’études, souligne Mme Chicha. Il y a comme un climat qui règne dans le milieu éducatif et à l’université, qui fait que les étudiantes s’éloignent davantage des filières STGM. »

Le rapport dévoile aussi qu’entre 2010 et 2017, le revenu médian s’est davantage amélioré pour les hommes que pour les femmes, à l’exception de la filière des arts et des sciences humaines, où le salaire des femmes est supérieur. « Il y a des mécanismes de reproduction sociale qui se jouent clairement à travers les politiques salariales », explique M. Doray.

« Il y a de la discrimination salariale, c’est certain, acquiesce Mme Chicha. D’autres études ont démontré que, dès le départ, les femmes sont moins payées que les hommes. On ne peut donc pas dire que c’est parce qu’elles ont eu un enfant. »

« Certaines de mes étudiantes ayant passé des entretiens [d’embauche] me rapportent s’être fait poser des questions interdites selon la Charte, déplore la professeure. On leur demande, par exemple, si elles ont des enfants ou si elles prévoient d’en avoir. Ce sont des paramètres pris en considération par les employeurs alors que cela ne devrait pas être le cas. »

Une immigration diplômée

Selon cette même étude, en 2021, les universités québécoises ont délivré 42 384 diplômes de premier cycle, 16 779 au deuxième cycle et 2 463 au troisième cycle, soit une hausse respective d’environ 8 %, 21 % et 22 % par rapport à l’année précédente.

Les étudiant·e·s internationaux·ales représentent 18,7 % des personnes diplômées. Celles et ceux de deuxième (36,7 %) et de troisième cycles (38,9 %) sont toutefois plus nombreux·ses  que celles et ceux inscrit·e·s au premier cycle (10,4 %).

« Cette hausse des diplômes délivrés aux natifs peut expliquer les difficultés qu’ont les immigrants qualifiés à trouver un emploi à la hauteur de leur diplôme, estime Mme Chicha. La concurrence  est ainsi de plus en plus forte. Ce qui s’ajoute à la discrimination sur le marché du travail qui, de plus, affecte les immigrants. »

« En ce qui concerne les étudiants internationaux qui, au Québec, se dirigent plus souvent que les natifs vers des disciplines STGM, l’une des raisons, pas nécessairement la plus importante, c’est que la maîtrise du français est moins nécessaire pour bien réussir dans ce secteur qui repose sur des formules complexes, des algorithmes, etc., plutôt que sur la rédaction de type plus littéraire », ajoute-t-elle.

Les données démontrent que la province francophone accueille plus d’étudiant·e·s internationaux·ales que sa province voisine, l’Ontario, dans laquelle ces dernier·ère·s représentent 16,6 % des titulaires de diplômes. Les étudiant·e·s de deuxième (30 %) et de troisième cycles (25 %) sont toutefois plus nombreux·ses que celles et ceux inscrit·e·s au premier cycle (12,6 %).

Une version précédente de ce texte a été modifiée pour reformuler une explication de la professeure Marie-Thérèse Chicha mal comprise par Quartier Libre.

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