Avec leur projet Yamantaka // Sonic Titan, les artistes multidisciplinaires Alaska B et Ruby Kato Attwood revisitent la mythologie et les traditions ancestrales asiatiques et amérindiennes. Une performance artistique nô wave déstabilisante, au confluent de la musique, des arts visuels et du théâtre.
Vêtus d’habits noirs ou de kimonos blancs, les visages peints en blanc et marqués de motifs noirs, quelques musiciens montent discrètement sur la petite scène du Royal Phoenix. Il est minuit passé, la salle n’est pas remplie à craquer, mais une certaine fébrilité flotte dans l’air. Des lumières s’allument. Un dragon chinois apparaît, lui aussi noir et blanc, à l’arrière de la salle et se fraye un chemin à travers la foule jusqu’à la scène. La musique commence, les voix des deux chanteuses s’entremêlent, tantôt douces, tantôt puissantes.
S’ensuit une performance envoûtante et déstabilisante, le plus souvent harmonique, mais flirtant avec la mince frontière qui la sépare de la cacophonie. Un amalgame musical, entre la pop psychédélique, le rock et les sonorités asiatiques, et tout ancré dans la théâtralité.
Vers un opéra nô wave
L’objectif principal de YT//ST est la création d’un opéra rock de style nô wave, c’est-à-dire qui combine le nô, l’art théâtral japonais, et la musique new-wave. À travers ce work-inprogress, le groupe se produit en spectacle et présente des fragments de son travail, comme ce fut le cas lors de la dernière édition de Pop Montréal. YT//ST vient également de lancer un premier album, le 1er octobre dernier, qui peut être considéré comme une trame sonore partielle du projet.
«On conçoit ça comme un tout. Tout cela fait partie de l’ensemble d’une même oeuvre », indique Ruby Kato Attwood. Les deux artistes espèrent présenter leur opéra dans sa forme complète d’ici un an ou deux. «En tant qu’artistes, on a pris beaucoup de maturité à travers ce projet», estime pour sa part Alaska B.
«On s’est connues il y a six ans, alors qu’on étudiait les arts à Concordia. Dès le moment où l’on s’est rencontrées, on a commencé à travailler ensemble», explique Ruby Kato Attwood. C’est deux ans plus tard, en 2007, que le duo voit officiellement le jour. Aujourd’hui basé à Montréal et à Toronto, YT//ST regroupe un collectif d’artistes, pour la plupart des proches, des amis ou des membres de la famille des deux fondatrices.
Se réapproprier les mythes
«On est toutes les deux à moitié asiatiques, indique Alaska B. [Le projet YT//ST] est une façon pour nous de revisiter nos traditions, mais en restant dans la contemporanéité. On invente nos propres histoires, des histoires qui nous représentent.»
«Yamantaka signifie destructeur de la mort, une image qui renvoie à l’ignorance dans le bouddhisme. C’est la peur de vivre, la peur du monde. Et Sonic Titan, c’est le son universel», explique Alaska B, précisant que les deux jeunes femmes sont elles-mêmes bouddhistes.
Si elles se considèrent comme occidentales, la culture orientale et l’imagerie qui lui est associée demeurent au coeur de la démarche des deux artistes. «C’est là où on veut aller visuellement. Et moi, j’ai envie de faire partie de cette tradition artistique», évoque Ruby Kato Attwood, tout en rappelant que cette dualité qui les habite s’avère un moteur créatif important.
YT//ST sera de la soirée-bénéfice du festival VIVA! Art Action, un festival dédié à l’art performance et d’installation, le 6 octobre prochain au Bain St-Michel.