«Je n’ai pas eu le choix de retourner à l’université puisque mon diplôme n’était pas reconnu par le gouvernement », confie l’étudiante au baccalauréat en sécurité et études policières à l’UdeM Léonor Mayorquin Torres. Arrivée en 2009 au Canada, la jeune femme originaire du Mexique détient déjà un baccalauréat en relations internationales de l’Université nationale autonome du Mexique. Elle a recommencé ses études en septembre 2015, à 32 ans.
J’ai plusieurs amis brésiliens avocats, administrateurs ou infirmiers, mais aucun ne travaille dans son domaine ici. La majorité est retournée à l’université pour avoir des équivalences ou faire une maîtrise. » Raquel Andrade de Matos Étudiante au baccalauréat en informatique
Parmi les étudiants immigrés possédant la résidence permanente, 76,8 % travaillaient avant leur immigration, selon l’étude qui s’intéresse notamment à la manière dont les universités s’adaptent pour soutenir leurs élèves étrangers. « Malgré leurs diplômes et leurs expériences de travail, les immigrants connaissent une déqualification professionnelle et un taux de chômage préoccupants », explique la chercheuse à l’Institut de recherche sur l’intégration professionnelle des immigrants et coordinatrice de l’étude Sarah Maïnich.
Le taux de chômage des personnes immigrantes se situe à 12,4 %, contre 7,8 % dans l’ensemble de la population selon les chiffres du ministère de l’Immigration, la Diversité et l’Inclusion en 2011. « De telles conditions contraignent les immigrants à retourner sur les bancs des universités », indique Mme Maïnich.
L’étude démontre que la persévérance universitaire peut être influencée par la réalité socioprofessionnelle moins familière, la barrière de la langue, le manque de réseautage, mais aussi la discrimination sur le marché de l’emploi. C’est le cas de Léonor qui a d’abord travaillé comme gardienne d’enfants pendant cinq ans. « J’aurais préféré avoir un emploi dans mon domaine, mais je n’ai rien trouvé », raconte l’étudiante.
Étudiante au baccalauréat en enseignement des mathématiques au secondaire, Raja Ben Salah n’a pas trouvé de travail dans son domaine, malgré une maîtrise en finance obtenue en France. « J’avais postulé dans des banques et en ressources humaines, mais on me disait que je ne répondais pas aux exigences, explique-t-elle. Après des mois de recherche, j’ai trouvé un travail dans un fast-food. »
Un difficile retour aux études
« Leur parcours migratoire et leur expérience de formation font qu’ils cumulent stress académique et stress d’acculturation », indique Mme Maïnich. Selon elle, il faudrait davantage accompagner les étudiants étrangers sur le plan institutionnel et pédagogique.
L’étudiante au baccalauréat en informatique Raquel Andrade de Matos a commencé les cours cet hiver. Ingénieure en génie mécanique au Brésil, elle ne peut pas exercer son métier sans faire partie de l’Ordre des ingénieurs du Québec. Malgré des lettres de recommandation de ses anciens employeurs et son expérience, elle a travaillé comme vendeuse dans un magasin de vêtements pour améliorer son français avant de reprendre des études. « J’ai plusieurs amis brésiliens avocats, administrateurs ou infirmiers, mais aucun ne travaille dans son domaine ici, constate Raquel. La majorité est retournée à l’université pour avoir des équivalences ou faire une maîtrise. »
Selon Mme Maïnich, il est nécessaire de lutter contre la discrimination en proposant des mesures institutionnelles ciblées qui rendent visibles et accessibles les ressources. Dans les salles de classe, il faudrait notamment adopter des dynamiques de formations ouvertes à la diversité. « Il convient de penser davantage l’aspect interculturel dans les modalités d’enseignement et d’apprentissage », affirme-t-elle. La chercheuse entend ainsi amener les professeurs à mieux informer, accompagner et intégrer les étudiants de différentes origines. D’après elle, ils sont encore trop peu nombreux à consulter les services aux étudiants des universités faute d’en connaître l’existence.
Note : L’étude Les étudiants récemment immigrés : mieux comprendre le processus d’acculturation et d’adaptation institutionnelle pour soutenir efficacement la persévérance aux études universitaires, a été menée par des chercheurs de l’UdeM, Concordia, Université Laval, UQAM et HEC Montréal.
*Selon les chiffres du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, 59,3 % des nouveaux immigrants accueillis au Québec en 2010 avaient entre 25 et 44 ans et 67,7 % détenaient 14 années et plus de scolarité.