Peindre son avenir

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Par Amandine Hamon
vendredi 19 octobre 2018
Peindre son avenir
La dernière murale a pu être réalisée grâce à une bourse du Fonds d’amélioration de la vie étudiante (FAVE) pour la revitalisation des espaces communs. (crédit : Benjamin Parinaud)
La dernière murale a pu être réalisée grâce à une bourse du Fonds d’amélioration de la vie étudiante (FAVE) pour la revitalisation des espaces communs. (crédit : Benjamin Parinaud)
À l’initiative du projet MURALES, l’étudiante Rocio Macabena Perez invite des Montréalais à peindre sur les murs de l’UdeM. Ce projet vise à libérer le potentiel artistique des bénévoles et à favoriser leur réinsertion professionnelle. Pour les artistes, la peinture devient un facteur d’inclusion.
« C’est une expérience bénévole, mais ça leur apprend aussi à s’engager dans une démarche de travail, de la préparation à l’exécution. »
Rocio Macabena Perez Étudiante à la maîtrise en psychoéducation de l’UdeM

Depuis qu’elle s’est mise en tête de peindre les espaces publics de l’UdeM à la fin de son baccalauréat, l’étudiante à la maîtrise en psychoéducation a déjà réalisé trois murales dans l’Université. Sa dernière, achevée cet été au NutriBar, dans le café des étudiants en sciences infirmières et en nutrition, sera inaugurée le 25 octobre.

Si l’œuvre a une valeur décorative, l’objectif de Rocio est surtout de permettre aux jeunes artistes de participer à un projet collectif sérieux et de leur offrir un tremplin vers la réinsertion. « C’est une expérience bénévole, mais ça leur apprend aussi à s’engager dans une démarche de travail, de la préparation à l’exécution », détaille l’étudiante.

Des résultats observables

Passionnée d’art urbain, Rocio travaille dans plusieurs centres communautaires montréalais, dont le Carrefour Jeunesse-Emploi de Rivière-des-Prairies, où elle a rencontré Melina et Katleen*. La motivation des deux jeunes filles a attiré l’attention de Rocio, qui leur a proposé de faire partie de son nouveau projet artistique.

Pendant un mois et demi, couche après couche, les deux artistes en herbe ont décapé, blanchi, et peint le mur gris du café étudiant. « C’est moi qui conçois les murales, mais notre but est d’intégrer des personnes de l’extérieur pour les aider à s’orienter dans leur vie personnelle et professionnelle », explique Rocio.

Les participantes ont obtenu de Rocio une lettre de référence pour les aider dans leur processus d’insertion sur le marché du travail. Melina est aujourd’hui en recherche d’emploi, et Katleen a décidé de reprendre des cours. Son expérience a confirmé son intérêt pour la peinture. « Ce que j’ai préféré, c’est que Rocio m’a donné l’opportunité de peindre ma propre partie du mur, s’enthousiasme Katleen. Elle m’a donné les outils et des conseils, mais c’est moi qui ai peint. Maintenant, je veux mener des projets en travaux manuels. »

Observant le résultat, l’employé du café et étudiant en santé et sécurité du travail, Seif Hazil, commente l’incidence de cette murale. « C’est pas mal, juge-t-il. J’ai remarqué que les étudiants sont contents, même s’il y a moins de monde qu’avant parce que la murale a remplacé la télévision. »

L’art social

La directrice générale de l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale (AQRP), Diane Harvey, souligne l’importance de permettre aux individus de se réaliser pour assumer son rôle de citoyen. « En participant, les personnes se réapproprient le droit d’agir, indique-t-elle. Pour nous, la croyance dans le potentiel de la participation active des personnes est une idée centrale du processus de réinsertion. »

Elle insiste sur la responsabilité de tous les acteurs sociaux dans ce processus. « Si l’accès à l’emploi est problématique, il faut dépasser cette notion de travail rémunéré pour inclure la vie sociale, poursuit-elle. Ce n’est pas seulement aux associations, mais à la société, de façon plus générale, d’offrir les moyens aux personnes de s’investir dans la vie sociale. »

Peu de recherches scientifiques existent concernant les bienfaits de l’art dans la réinsertion professionnelle, mais l’agente de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) Stéphanie Mélançon s’est penchée sur le sujet. « Depuis les origines de l’humanité, la création artistique a constitué un moyen pour l’homme de représenter, de symboliser, de traduire, d’objectiver et d’exprimer sa perception du monde et son rapport avec celui-ci** », témoigne la psychoéducatrice.

Le projet de Rocio risque de son côté de prendre de l’ampleur à l’UdeM car l’étudiante espère faire de son initiative MURALES un projet de doctorat.

* Les intervenantes ont demandé à ce que leurs noms ne soient pas mentionnés.

** Revue Le partenaire, volume xxii, numéro 1, été 2013