« Les gens m’ont dit que j’étais autoritaire. Je me suis dit que j’irais voir à quoi ressemblaient les reliquats d’un système autoritaire », rigole Pauline Marois lorsque Quartier Libre évoque le séjour de ressourcement qu’elle a fait en Russie en juin dernier. Entretien-éclair avec la chef du Parti Québécois (PQ) et Mathieu Traversy, le député de Terrebonne, sur des problématiques qui vous tiennent à coeur.
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Quartier Libre: Vous dirigez un parti qui semble se chicaner tout le temps. Comment faites-vous pour gérer toute cette pression? Est-ce que vous méditez ?
Pauline Marois : Non, mais je fais de la marche rapide et je fais du jardinage, c’est très efficace. Ce n’est pas loin de la méditation, d’avoir les mains dans la terre.
Q.L. : Quelle est votre position concernant la hausse des frais de scolarité ?
P.M. (à Mathieu Traversy) : Veux-tu y aller sur les frais de scolarité ? (à Quartier Libre) : Je suis 100 % d’accord avec ce que Monsieur va dire, je veux lui donner une place. Mathieu Traversy (à P.M.): N’hésitez pas à me compléter MmeMarois, vous avez largement l’expérience politique pour ça.(à Q.L.): Le gouvernement libéral a prévu de hausser les frais de 1625 dollars sur 5 ans. Le PQ a tenu son congrès en avril dernier. Nous sommes une formation politique qui est démocratique : ce sont nos membres qui décident des points qui se retrouvent à l’intérieur de notre programme. Je tiens à le mentionner parce que ce ne sont pas toutes les formations politiques qui fonctionnent avec autant de consultation, ce qui génère plusieurs débats. On a pris la position d’opter pour le gel des frais de scolarité, parce qu’on croit que l’accessibilité aux études est un investissement pour l’avenir et c’est ce qui va contribuer à la création de richesse pour les prochaines années.
Q.L. : Le Parti libéral a investi au-delà de l’inflation en éducation. Que compte faire le PQ de plus que le Parti libéral pour les étudiants ?
P.M. : M. Charest n’a fait que couvrir la hausse normale des dépenses dans les universités et dans les cégeps. Ça a couvert à peine l’inflation et la croissance de clientèle. Il n’a donné que l’illusion d‘ajouter beaucoup à l’éducation.
Avec ce qui est prévu pour les prochaines années, avec la hausse des frais de scolarité, il réduit sa part proportionnellement, de 54 % à 51,4 %, en faisant porter une plus grande part aux étudiants. Il pourrait se retenir un peu: en demander plus aux étudiants mais sans réduire sa contribution. Au PQ, on veut geler les frais jusqu’à ce qu’on en débatte lors de la tenue d’un sommet. Dans le contrat social qu’on devrait signer avec les étudiants, les universités et les entreprises, moi je dirais : «la proportion du gouvernement est à 54 %, nous la maintiendrons, l’objectif étant peut-être même de l’améliorer.» Si la contribution des étudiants est à 15 %, nous la maintiendrons à 15 %, on ne l’augmentera pas, sauf s’il y a un facteur d’inflation à considérer.
Q.L. : Un organisme subventionnaire canadien, MITACS, facilite le rapprochement entre les entreprises privées et les universités en offrant aux doctorants des formations et des stages professionnels. Que pensez-vous de l’entrée de la mentalité d’entreprise à l’université ?
P.M. : Je crois qu’il faut que l’université garde la plus grande liberté possible en terme de création, de recherche et d’étude. En revanche, il ne faut pas se priver de la possibilité que nous offrent certaines entreprises. Elles font des profits, elles tirent des avantages de leur activité économique. En contrepartie elles doivent être redevables à leur société. Donc, s’ils se permettent d’offrir certains services, de faire des propositions telles que des stages, moi je ne suis pas contre ça. Si on commençait à contraindre l’université à faire des choix essentiellement influencés par les entreprises, j’aurais des problèmes avec ça. Mais les entreprises ne sont pas toutes de mauvaise fois non plus. À partir du moment où on définit un cadre, je pense que ça peut être intéressant.
Q.L. : Quand ce sont les entreprises qui financent des recherches universitaires plutôt que l’État, ne croyez-vous pas que la liberté de recherche est compromise ?
P.M. : Si une entreprise contribue à une université, on ne peut pas la priver de bénéficier de certaines des recherches. Mais les universités doivent conserver une liberté académique. Elles ne doivent pas avoir une approche utilitaire basée sur le rendement économique. On sait bien qu’il y a des recherches qui ne seront jamais rentables, notamment dans le domaine des sciences humaines. Il y a des recherches qui ne se font pas mais qui devraient se faire parce que justement aucune entreprise n’est intéressée à les financer. Mais l’université doit trouver les moyens de les financer ces recherches ; elles sont tout aussi importantes que les recherches sur un produit pharmaceutique ou une nouvelle technologie.