Patrick le prolifique

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Par Pascaline David
mardi 5 avril 2011
Patrick le prolifique

« Je vais mourir en train de raconter un film et j’en suis très conscient. Il n’y a pas d’option B dans ma vie. Je fais ce qui me plaît et je ne me vois pas faire autre chose. » Le regard du réalisateur Patrick Peris, qui a perçu 37 printemps, est visionnaire, surtout en ce qui concerne son propre avenir. En pleine adolescence, il avait déjà le feeling qu’il lui faudrait attendre un certain moment avant de découvrir sa Voie. «Depuis que j’ai 16 ou 17 ans, j’ai hâte d’en avoir 40 parce que j’ai l’impression que c’est là que je vais commencer à vivre. Je sais qu’à partir de là, je serai vraiment dans ma zone, j’aurai tous les éléments en main pour me lancer dans le grand portrait qui va suivre. Mon numéro de téléphone termine par 4040. Ce n’est pas un hasard», dit-il. Portrait d’un homme intense.

D’ici trois ans, le premier long-métrage de Patrick Peris devrait être présenté dans un cinéma près de chez vous, et vous aurez toutes les raisons de vous y précipiter. Pourquoi? Parce que le réalisateur possède un fantastique talent cinématographique et un avenir professionnel à tout casser.

Le seul et unique Patrick Peris. (Courtoisie : Patrick Peris)

Revenons du futur et ancrons-nous dans le passé. Dans le cadre de la réalisation du long-métrage Nuage dans un verre d’eau (réalisé par Srinath Christopher Samarasinghe), une fiction qui sera vraisemblablement à l’affiche au Québec cet été, Patrick Peris a dirigé l’équipe responsable de l’animation du film. L’idée était de réaliser, en stop motion, six minutes d’animation, soit 46 plans. «Le mandat était de faire du 25 images/seconde, ce qui n’est pas la norme . Normalement, c’est du 12-15 images/seconde. [NDLR : Plus d’images/seconde génèrent une plus grande fluidité au niveau de l’animation.] Avec quatre animateurs, nous avons réalisé 78949 images en neuf semaines de tournage, à travailler sur deux plateformes en parallèle de huit heures le matin à 11 heures le soir, sept jours sur sept» raconte-t- il. Travail de Titan, pour quiconque connaît un tant soit peu l’animation.

«J’ai un penchant pour l’animation pendant l’hiver, ça fait cinq ou six ans de suite que je fais ça, raconte le réalisateur. L’hiver, à -20°C, il est difficile de tourner des films en extérieur, tant pour les gens que pour l’équipement. L’animation, c’est comme l’hibernation, tu es enfermé dans ton cocon. Comme un plan de deux secondes peut prendre quatre heures à animer, tu ne peux pas avoir de variation de lumière. Tout est blacké à fond, l’espace est très clos. Quand tu sors de là, le soleil te pète dans la face, tu plisses vraiment beaucoup les yeux.»

À l’hiver 2006, Patrick Peris a travaillé à un premier vidéoclip en tant que coréalisateur. Mettant en scène une chanson de Gilles Vigneault, Tout le monde est malheureux a été réalisé en stop motion – 3000 heures de travail impliquant la construction de 136 maisons miniatures en carton récupéré, pour 3 minutes d’images. L’artiste a par la suite réalisé cinq autres vidéoclips, entre autres pour Alexandre Désilets, Tricot Machine et Mes Aïeux.

Entre le moment où il a commencé à rêvasser à propos de sa quarantaine et aujourd’hui, Patrick Peris a suivi un parcours qui lui est très personnel. Il a travaillé en construction, en restauration, a couru quelques marathons. Il a même déménagé d’instinct à Québec et a décidé d’y rester pendant un moment. Entre des cours en art à l’université (tous médiums confondus) et la création d’une organisation qui gérait 54 expositions artistiques par année, il a découvert Kino, un rassemblement de cinéastes et vidéastes québécois qui veulent créer à tout prix [NDLR: Si vous ne connaissez pas Kino, il est temps de vous exciter].

«Ça a été un coup de foudre instantané », se rappelle Patrick Peris. C’était en 2001. «En janvier 2002, j’ai acheté un ordinateur, en mars 2002, une caméra. J’ai fait sept films en neuf mois, puis, en septembre 2002, j’ai abandonné mon emploi pour pouvoir participer au Kino Kabaret*. Je croyais qu’il y avait quelque chose là qui allait m’amener ailleurs. Le Kino Kabaret est une super école qui te force à agir dans le maintenant, à réagir et à construire», dit le réalisateur. Lors du Kino Kabaret 2003, Patrick Peris a participé en 10 jours, à 15 projets de courts-métrages. Il dormait environ trois heures par jour. Crinqué est le mot qui vient en tête.

Depuis qu’il s’est mis à la vidéo, Patrick Peris a réalisé une cinquantaine de courts-métrages. Oh, il était aussi responsable des prises de vue macro dans Le baiser du barbu. Ha, il était aussi Storyboard animatrix dans la Web télé Neuroblaste [NDLR: Il recomposait les images pour créer une dynamique de mouvement]. Ça n’arrête pas. Le réalisateur affirme ne pas avoir de syndrome de la page blanche, parce qu’il n’a pas de page blanche. Il a toujours plusieurs projets de semés.

Reconnu pour faire des réalisations très visuelles d’inspiration américaine, Patrick Peris a présentement quatre gros projets en attente de réalisation. « Je pourrais en parler mais la vie étant faite d’imprévus, il se pourrait qu’aucun des quatre ne puisse se réaliser, affirme-t-il. Ce seraient alors quatre autres projets qui se réaliseraient ; je préfère ne rien confirmer, mais je peux te dire qu’il y en a, des options.»

Pour ne pas terminer cet article en queue de poisson, Quartier Libre se permet de prophétiser que Patrick Peris se dirige droit vers le tapis rouge.

*Le Kino Kabaret est un laboratoire de création spontanée de 10 jours. Scénaristes, acteurs, réalisateurs, techniciens se rassemblent pour créer des courts-métrages en moins de 72 heures. Pour plus d’information : kino00.com

• patrickperis.com

• Retrouvez aussi Patrick Peris sur Facebook.

 

Pour les fervents de cinéma d’animation, la Cinémathèque québécoise présente sur trois jeudis une programmation riche en films de ce genre, les 7, 21 et 28 avril. Pour plus d’information: cinematheque.qc.ca