Le photographe du Quartier Libre Pascal Dumont a couvert une cinquantaine de manifestations au cours des derniers mois. Le conflit étudiant aura été pour lui une occasion de faire ses armes en photojournalisme. De son désir de faire le bilan est née une exposition, Le grand souffle, qui verra le jour le 16 janvier prochain.
Quartier Libre : Pourquoi organiser une exposition sur la crise étudiante ?
Pascal Dumont : Après avoir fait le compte, j’ai constaté que j’avais pris environ 40000 photos en lien avec le conflit étudiant. Je me suis dit qu’il était temps de faire la synthèse de tout ce qui s’était passé. C’est quand même un moment historique que nous avons vécu: la plus grande contestation étudiante à ce jour au Québec. J’avais envie de réunir les dimensions artistique, journalistique et pédagogique de cet évènement en un seul projet.
Q. L. : Et comment fait-on la synthèse de 40000 images ?
P.D.: Difficilement! C’est un long travail, mais aussi une collaboration. J’ai choisi 36 images, dont certaines inédites, qui seront commentées par 36 étudiants, professeurs et chargés de cours issus d’une vingtaine de champs d’études différents. Chacune de ces personnes va sélectionner une photo qui l’inspire et rédiger un court texte qui l’accompagnera. Un des objectifs de cette exposition est de donner une tribune aux principaux acteurs de la crise, afin qu’ils puissent s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu.
Q. L. : À quel moment la photo est-elle devenue un métier ?
P. D. : L’élément déclencheur, c’est un atelier en photographie de presse donné par Jacques Nadeau. Ça a été une révélation: j’ai tout de suite su que c’était ça que je voulais faire dans la vie. C’était à l’automne 2011, donc juste avant que le mouvement étudiant prenne forme. C’est pour cet atelier que j’ai été amené à photographier Mikhaïl Gorbatchev, alors en visite à Montréal. Ma photo a fait la une du Polyscope, le journal de l’École polytechnique de Montréal. Je l’ai ensuite montrée à l’équipe du QL, et c’est là qu’a commencé ma collaboration avec eux. Presque tout de suite après, le 10 novembre, il y a eu la première d’une longue série de manifestations étudiantes et j’ai été affecté à la couverture de l’évènement. De là, tout a déboulé.
Q. L. : Dirais-tu que tu as été happé par le mouvement étudiant ?
P. D. : Oui. Je couvrais toutes les manifs, les actions, les conférences de presse. C’est fou le nombre de kilomètres que j’ai pu courir en couvrant les manifestations de soir! Surtout après l’entrée en vigueur de la loi 78. Certaines semaines, je travaillais jusqu’à 80 heures.
Q. L. : Que retires-tu du mouvement étudiant de ton point de vue de photographe ?
P. D. : J’ai vécu des moments difficiles en tant que photojournaliste parce que je suis étudiant aussi et que je me sentais concerné par la situation. Un moment que j’ai trouvé vraiment dur, c’est quand je me suis retrouvé devant des étudiants qui essayaient de défoncer la porte du recteur avec un bélier. J’hésitais, je ne savais plus si je devais prendre une photo pour le journal ou pas. Ce que j’en retire au final, c’est qu’il faut documenter l’évènement, se détacher de ce qui se passe, faire preuve d’objectivité et montrer les deux côtés de la médaille. C’est ce qui fait qu’on peut se démarquer en tant que journaliste. Les photos gagnent de la valeur par leur objectivité.
Le Grand souffle
Galerie Kô-Zen,
532, rue Duluth
du 17 au 26 janvier 2013