Culture

Pas pour les fillettes !

Il m’est arrivé, jadis, de vaincre ma soeur à Street Fighter 2 en ne jouant qu’avec mes pieds. Quelque peu frustrée, ladite frangine a qualifié l’affrontement d’injuste « vu que j’étais un garçon ». Ah bon ? Les jeux vidéo, c’est pour les gars ? Au premier coup d’oeil (mitraillé d’orcs belliqueux, de soldats boostés aux radiations nucléaires et « d’archéologues» siliconées), on pourrait le croire. Ha ha ! Il me fait plaisir de briser ce cliché « testostéroné » avec vous.

Des statistiques récentes montrent que de 40 % (Amérique du Nord) à 52 % (France) des joueurs sont des femmes (reformulons : environ 48 % des joueuses sont donc des hommes). Sitôt la surprise passée, il est tentant d’argumenter que les femmes ne jouent pas aux mêmes jeux que les hommes (tout le monde ne joue pas à Street Fighter 2 avec ses pieds). De manière générale, les hommes préfèrent les FPS (tir à la première personne), les jeux d’action, de sport ou de stratégie en temps réel, tandis que les femmes préfèrent les jeux de « construction sociale » (comme The Sims), d’aventure, de réflexion ou les jeux de rôle.

C’est une mine d’or que les concepteurs ont repérée il y a un moment déjà. L’introduction de la Wii sur le marché, avec son catalogue de jeux familiaux, colorés et bon enfant montre bien l’ampleur du filon. Mais dire que les femmes n’aiment que les jeux remplis de petites créatures roses poussant des cris d’orgasme «télétubiesques» est un cliché de plus à combattre. Penser qu’elles ne se sont mises aux jeux vidéo que dernièrement en est encore un autre. Sortons de nos tiroirs d’« entomovidéoludiste» quelques spécimens pour étayer ces propos.

Danielle (31 ans, rédactrice en chef, Montréal) adore les jeux de rôle et a commencé à jouer dès la sortie des premières consoles de salon, il y a environ 20 ans. À l’époque, sa mère ne la laissait pas jouer à la maison et elle allait donc squatter les consoles de ses amis (sans les laisser jouer). Karina (28 ans, conceptrice de logiciels, Calgary) a toujours joué sur consoles de salon, depuis l’apparition du Atari. Son genre de prédilection est le FPS, où elle se retrouve souvent en tête de classement. Véronique (30 ans, enseignante, Montréal) joue depuis l’âge de 8 ans, avec une préférence pour les jeux d’action/aventure. Elle partage sa passion avec son conjoint, parfois pendant de longues heures. S’il faut le préciser, laissez-moi vous assurer qu’aucune de ces femmes n’est l’archétype du garçon manqué ou du nerd typique.

Monde d’hommes ou de femmes, la question ne se pose plus. Ça ne semble pourtant pas si évident pour les autres joueurs ou pire, pour les non-joueurs. «Les autres femmes ne me jugent pas mais, au contraire des hommes, je ne sens pas de respect particulier de leur part, confie Karina. Lors des parties en ligne avec micro, les réactions sont partagées entre la drague douteuse, l’indifférence ou la curiosité de savoir si je suis un garçon de 12 ans .» Danielle, pour sa part, n’en parle pas souvent et seuls ses amis proches sont au courant de ses goûts pour les jeux. Toutes deux sont d’accord sur le fait qu’être gameuse, «ça pogne avec les gars » (surtout si vous jouez avec vos pieds).

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