Parc-Ex sous pression

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Par Éva Séa
mercredi 13 février 2019
Parc-Ex sous pression
Lors du recensement canadien de 2011, le revenu moyen des habitants de Parc-Extension était de 23 950 $, comparativement à 36 748 $ sur l’île de Montréal. Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Lors du recensement canadien de 2011, le revenu moyen des habitants de Parc-Extension était de 23 950 $, comparativement à 36 748 $ sur l’île de Montréal. Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Le Comité d’action de Parc-Extension (CAPE) et des habitants de l’arrondissement ont manifesté contre l’embourgeoisement le 5 février dernier. La destruction potentielle de deux bâtiments au profit de logements étudiants, dont la construction découle de l’arrivée imminente du campus MIL près du quartier, est à l’origine de leurs inquiétudes.

L’évènement a marqué le premier conseil d’arrondissement de Villeray – Saint-Michel – Parc-Extension. « Le but de l’action est de souligner les impacts de la gentrification [l’embourgeoisement, voir encadré] dans le quartier et de réclamer des logements sociaux, souligne le représentant du CAPE, Alexandre Cadieux. C’est une solution directe afin d’aider les gens les plus démunis du quartier à survivre et à demeurer dans leurs logements, malgré la gentrification qui se fait de plus en plus importante. »

Une recommandation de délivrance d’un permis rendant possible la destruction de bâtiments sur la rue Beaumont, située en face du futur campus MIL, a été émise par le Comité de démolition de l’arrondissement le 26 novembre dernier. L’objectif du promoteur et acquéreur du terrain est de construire de nouveaux appartements destinés à une clientèle étudiante.

Le conseil d’arrondissement devait accepter ou refuser la délivrance du permis de destruction le soir de la manifestation. Le vote a cependant été reporté, après qu’un commerçant eut confié au conseil d’arrondissement ne pas avoir été correctement informé de la démolition possible de son immeuble1.

Inquiétudes

« Ça [la construction potentielle de nouveaux appartements] veut dire qu’il va y avoir une trentaine de nouveaux appartements très chers, complètement inabordables pour la majorité des locataires habitant déjà à Parc-Extension, estime M. Cadieux. Pour nous, cela s’inscrit directement dans un processus d’accélération de gentrification, en lien étroit avec l’ouverture du campus. » En délivrant des permis de construction de logements inabordables pour la population locale, l’arrondissement pourrait mettre beaucoup de pression sur les locataires du quartier, selon lui.

Le député de Laurier-Dorion, Andrés Fontecilla, admet lui aussi que l’arrivée du campus amènera inévitablement des étudiants, qui constitueront malgré eux un vecteur d’embourgeoisement du quartier. Quant à la construction potentielle de nouveaux logements en face du campus MIL, destinés à une clientèle étudiante, il explique préférer que la priorité soit donnée aux logements sociaux, avec les investissements qui s’imposent. « Encore une fois, on assiste à une compétition malsaine entre le droit à un logis pour des étudiants et le droit à un logis pour les familles appauvries du quartier Parc-Extension », déplore M. Fontecilla. Il concède toutefois que des logements étudiants pourraient être nécessaires dans ce secteur.

Des mesures d’atténuation

Du côté de l’UdeM, des logements étudiants et sociaux ont été prévus pour limiter les effets du campus MIL sur la population de Parc-Extension. L’attachée de presse de l’Université, Julie Cordeau-Gazaille, assure que parmi les 1 300 logements du futur campus MIL, 30 % seront abordables et sociaux.

De ce pourcentage, la moitié seront gérés, entre autres, par l’Office municipal d’habitation de Montréal, et leur prix correspondra à 25 % du revenu des locataires. L’attachée de presse ajoute que les logements construits à proximité du campus ne seront pas uniquement destinés à la clientèle étudiante. « L’Université a cédé des terrains à la ville pour qu’il y ait des constructions de logements abordables, justement pour les gens du quartier », souligne-t-elle.

Choisir Parc-Extension plutôt qu’ailleurs

Selon une étude menée en 2016 par Centraide, une organisation philanthropique qui lutte contre la pauvreté, et l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Parc-Extension constitue l’un des quartiers les plus défavorisés du Canada.

L’étudiante au baccalauréat en psychologie à l’UdeM Laura Poudevigne en a fait son milieu de vie. Elle explique ce choix par la proximité du métro et de l’Université, mais surtout par les logements dont elle juge les prix encore abordables. « J’ai un budget vraiment restreint, et même si ce n’est pas le plus beau des quartiers de Montréal, nous ne sommes pas trop loin de l’Université », avance Laura. Elle apprécie le quartier pour ses épiceries à bas prix, ses pizzérias et ses restaurants indiens, qu’elle juge excellents.

Le campus MIL ouvrira ses portes aux étudiants à l’automne 2019 au croisement des arrondissements d’Outremont, du Plateau-Mont-Royal, de Rosemont – La Petite-Patrie, de Villeray – St-Michel – Parc-Extension et de la ville de Mont-Royal.

1. ici.radio-canada.ca, « Contreverse sur l’avenir de deux bâtiments dans Parc-Extension ».

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