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Papyrus: la science en accès libre

« Le but de la recherche scientifique est d’abord d’être partagée au plus grand nombre », pense l’étudiante au doctorat en biologie moléculaire Noumeira Hamoud. La plateforme d’archivage en ligne Papyrus, regroupe, en accès libre, les thèses et mémoires des étudiants de l’UdeM. Fait moins connu, les chercheurs peuvent également y déposer une copie de leurs publications. Pour pousser les chercheurs à utiliser Papyrus, le processus de dépôt a été simplifié en mai dernier.

Pour le moment, la plateforme est principalement utilisée pour les thèses et les mémoires « Je ne savais pas qu’il était possible d’y déposer des articles, mais je le ferai à l’avenir », avoue l’étudiante au doctorat en biochimie Ludivine Litzler. Actuellement, les articles représentent seulement 16,5 % de l’ensemble des publications de Papyrus, contre 67,4 % de thèses et de mémoires.

Pour la FAÉCUM, Papyrus permet pourtant d’augmenter de 50 % la visibilité des articles. « C’est la solution la plus recommandée par les experts pour contourner le modèle classique de diffusion, explique le coordonnateur à la recherche universitaire de la FAÉCUM, Nicolas Bérubé. Elle est cruciale pour amorcer un changement dans la mentalité de diffusion des articles scientifiques et pour éventuellement redonner le contrôle aux scientifiques ».

Selon le professeur à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’UdeM Vincent Larivière, le problème est que les chercheurs de l’UdeM n’ont pas l’obligation de déposer leurs articles sur Papyrus. Pourtant, cela permet de généraliser l’accès aux résultats de recherche par le grand public. Certains organismes subventionnaires imposent d’ailleurs aux chercheurs de rendre leurs articles accessibles à tous. « Les citoyens doivent pouvoir accéder aux données des recherches qu’ils financent par leurs impôts », estime le professeur.

Un piège pour les universités

Les éditeurs scientifiques ne connaissent pas la crise et cinq géants se partagent plus de 50 % des publications scientifiques dans le monde : le Néerlandais Elsevier, l’Allemand Springer, l’Anglais Taylor & Francis et les deux Américains Sage et Wiley. Cette situation que M. Larivière qualifie « d’oligopole» leur permet d’imposer des prix élevés pour les abonnements aux universités.

« Depuis 30 ans, les prix [des revues scientifiques] augmentent de 4 à 6 % par an », déplore le directeur général des bibliothèques à l’UdeM, Richard Dumont. Devant de telles pratiques, les bibliothèques universitaires peinent à suivre et cherchent à contenir les coûts.

« Les éditeurs réalisent entre 30 et 40 % de marge de profit, estime M. Dumont. Pour Wiley, cela représente un milliard de dollars par an. » C’est ce qui l’a conduit à annuler l’abonnement des bibliothèques de l’UdeM à l’ensemble des publications de Wiley en janvier 2014. Les articles publiés après cette date dans certaines revues éditées par le groupe américain sont donc inaccessibles ou uniquement accessibles grâce à des abonnements individuels. « L’UdeM est la première université au Canada à avoir pris une telle mesure », rappelle le directeur général. Depuis, plusieurs universités ont fait ce choix.

« En contrôlant la diffusion des articles, les maisons d’édition contrôlent aussi la visibilité et la réputation des chercheurs et des chercheuses », croit Nicolas Bérubé. Selon lui, un accès limité aux ressources bibliographiques est aussi un réel problème pour les étudiants et professeurs qui en dépendent pour leurs recherches, d’où l’importance de l’accès libre.

M. Larivière s’inquiète de la contre-attaque des éditeurs qui pourraient bien revoir leurs règles d’exclusivité et interdire le dépôt pour le libre accès sur leurs propres plateformes. Il faudra alors inventer encore de nouvelles solutions.

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