Oeuvres de l’espace public : attrapez-les toutes !

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Par Florence La Rochelle
jeudi 10 mars 2022
Oeuvres de l'espace public : attrapez-les toutes !
La Plaza – Always Timeless de Benny Wilding (2017), murale peinte dans le quartier Rosemont-La Petite-Patrie Crédit photo : Mathis HArpham
La Plaza – Always Timeless de Benny Wilding (2017), murale peinte dans le quartier Rosemont-La Petite-Patrie Crédit photo : Mathis HArpham
Une nouvelle application pour téléphones cellulaires géolocalise l’art qui nous entoure et offre une façon ludique de le redécouvrir à travers la photographie. Quartier Libre s’entretient avec la titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art Lena Krause, qui a créé cette application avec le diplômé d’une maîtrise en bio-informatique Daniel Jimenez.

EN QUOI CONSISTE MONA ?
MONA est une application qui géolocalise les œuvres de l’espace public situées pour la grande majorité au Québec, et qui invite ses utilisateur·trice·s à en collectionner des photos. Elle leur permet de les apprécier gratuitement, de collecter des informations sur celles-ci, de s’interroger à leur sujet, et rappelle que l’art est partout.

1) Statue de Édouard Monpetit par l’artiste Sylvia Daoust (1967)
Crédit photo : Mathis Harpham

Quartier Libre (Q. L.) : De quelle façon croyez-vous contribuer à la démocratisation de l’accès à l’art avec votre application ?

Lena Krause (L. K.) : Je devrais m’entraîner à écrire une définition. C’est un mot très à la mode, la « démocratisation ». Je crois qu’il existe plusieurs façons de concevoir la démocratisation de l’accès à l’art. Je pense que là où on peut facilement s’entendre, c’est que ce n’est pas tout le monde qui se sent à sa place dans ce milieu. Ayant étudié en histoire de l’art, je trouve bénéfique de voir des œuvres : ça permet d’apprendre plein de choses et de développer des sensibilités.

La démocratisation de l’accès à l’art, c’est pour moi s’adresser aux gens qui pensent que celui-ci n’est pas nécessairement pour eux, qui ne savent pas comment s’y intéresser, parce que les façons traditionnelles de consommer l’art, comme aller au musée, ce n’est pas quelque chose qui les interpelle nécessairement.

Là où je trouve que l’art public est intéressant, c’est qu’il se trouve dans nos espaces communs. Par contre, ce n’est pas parce qu’il est dans l’espace public que les gens le voient. On passe tous devant l’art, chaque jour, en allant prendre le métro, mais on ne s’arrête pas pour prendre le temps de s’y intéresser. L’application mobile MONA rend les œuvres d’art visibles et elle propose aux gens de se questionner sur celles-ci, plutôt que de leur imposer une interprétation. Et ça, c’est important pour moi. On ne leur dit pas : « cette œuvre d’art est importante parce que… », on leur dit : « voici une œuvre d’art », et on les invite à prendre une photo.

Sans Titre de Zema (2012), murale exposée dans le quartier de Rosemont-La Petite-Patrie Crédit photo : Mathis Harpham

Q. L. : Qu’est-ce que ça apporte de prendre en photo une œuvre ?

L. K. : L’acte de prendre une photo va forger un regard. « Comment je la prends ? Qu’est-ce que j’ai envie de garder en souvenir ? » Il y a un premier travail d’interprétation par l’individu. Puisque la photographie est communément utilisée aujourd’hui, les gens se sentent très à l’aise d’établir une interprétation photographique, beaucoup plus que si on leur disait : « Qu’est-ce que tu penses de cette œuvre d’art ? » La photographie est un outil très intéressant pour la démocratisation. C’est très direct comme façon d’interagir avec l’art.

Q. L. : MONA est une initiative citoyenne auto-gérée. Qu’est-ce que cela signifie pour votre équipe ?

L. K. : MONA est une organisation autonome. Nous avons des partenariats avec les Départements d’histoire de l’art et d’informatique de l’UdeM, mais ces partenaires ne nous forcent à rien du tout. Nous avons aussi reçu des subventions publiques, notamment de la Ville de Montréal et du Conseil des arts de Montréal.

Au niveau de l’équipe, nous essayons d’avoir un fonctionnement qui n’est pas hiérarchique. Chacun a ses compétences et ses expertises. Nous collaborons pour mener à bien le projet. Par exemple, ce n’est pas parce que je suis cofondatrice que je suis la patronne. Nous ne nous rendons pas de comptes, et personne n’a à valider ses décisions avec moi. Nous travaillons ensemble.

Composition géométrique de Jacques G. De Tonnancour (1968), tableau situé au Stade d’hiver du CEPSUM Crédit photo : Mathis Harpham

Q. L. : Vous recueillez de façon anonyme les données relatives aux photographies et aux commentaires générés par les utilisateur·trice·s afin de les analyser. Quels sont les objectifs de cette collecte ?

L. K. : Je crois fermement, depuis longtemps, qu’il est important de recueillir les opinions sur l’art de personnes qui ne sont pas toujours entendues. Dans ce milieu, nous sommes un peu toujours les mêmes à radoter : les historiens de l’art, les journalistes, et les politiciens. Mais les opinions du public et des groupes issus des minorités, on ne les entend pas toujours. Lorsqu’on aura assez de données des utilisateur·trice·s, et donc de photographies et de commentaires, MONA permettra de dresser un portrait plus riche et accessible des opinions que les publics diversifiés, comme les minorités, peuvent avoir sur l’art.

Molécules de Johannes Burla (1967), sculpture exposé dans le pavillon Marie-Victorin Crédit photo : Mathis Harpham

Quartier Libre ! a testé l’application MONA

À son ouverture, l’application propose à ses utilisateur·trice·s de découvrir, par exemple, Composition géométrique de Jacques G. de Tonnancour, œuvre située à la sortie de la station de métro Édouard-Montpetit, dans le Stade d’hiver du CEPSUM. Elle a été créée en 1968.

D’un simple clic, l’appareil photo se déclenche afin de photographier Composition géométrique. Laisser un commentaire est ensuite possible.

De retour sur la carte interactive, identifier l’œuvre la plus près est simple. L’œuvre Molécules de Johannes Burla, créée en 1967, se trouve à quelques pas,au troisième étage du pavillon Marie-Victorin.