Nouvelle orthographe, petite révolution

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vendredi 19 février 2016
Nouvelle orthographe, petite révolution
Saviez-vous que le mot "nénufar" s’est toujours écrit avec un f jusqu’en 1935 ? (photo : courtoisie wikimedia.org)
Saviez-vous que le mot "nénufar" s’est toujours écrit avec un f jusqu’en 1935 ? (photo : courtoisie wikimedia.org)
Le français, c’est trop compliqué ! Ce reproche n’est pas nouveau. En 1990, une réforme est entrée en vigueur pour simplifier l’orthographe, cela aurait dû en réjouir plus d’un... Mais cette petite révolution ne fait pas l’unanimité et soulève la colère de quelques-uns. Alors : simple évolution ou petite révolution ?

Depuis 1989, les linguistes du Conseil supérieur de la langue française, représentants de l’Académie française et des fabricants de dictionnaires, font le ménage dans l’orthographe et allègent l’enseignement d’une langue jugée inutilement compliquée.

Aujourd’hui, les manuels scolaires se mettent enfin à jour : on se débarrasse du i de oignon, on évacue les anomalies en unifiant les mots de la même famille. Exemple : pourquoi écrire persifler avec un seul f quand son voisin, le verbe siffler, en compte deux ? On bazarde les traits d’union, car disons-le franchement, la soudure, c’est moins encombrant, et on libère des accents circonflexes. La réforme touche quelque 2000 mots.

Certains perçoivent cette évolution comme source de facilité ou de soulagement à l’écrit. Au contraire, les plus traditionalistes s’affolent devant de telles extravagances et dénoncent un dépouillement de la langue.

Plusieurs réformes

À la réforme de 1935, les conservateurs de l’époque tenaient très certainement le même discours. Mais une langue, ça évolue, ça change. Ça ne reste jamais en place. Et le français n’en est pas à sa première révision. Saviez-vous, par exemple, que le verbe voir, avant, s’épelait veoir ? Que poëme prenait un tréma ? Ou que besogne s’écrivait besoigne ? Étonnant, n’est-ce pas ? Sans les réformes d’hier, l’orthographe telle que nous la connaissions il y a 100 ans serait toujours enseignée aujourd’hui.

Il ne s’agit donc pas d’un remaniement esthétique, ni d’un chambardement lexical et encore moins d’un nivellement par le bas, mais d’un allègement de l’orthographe qui, soyons d’accord, embarrasse très souvent l’apprentissage du français. Pourquoi gêner asseoir d’un e muet, ou truffer l’orthographe d’exceptions quand le plus simple serait d’harmoniser le tout? (Pourquoi dispenser délai d’un s quand relais y a droit ?)

Alors on évite d’en faire tout un drame. D’ailleurs, les rectifications sont tellement minimes que très peu se sont aperçus qu’elles étaient rentrées, depuis longtemps déjà, dans les bases de correction : le correcteur automatique de Word est à jour depuis sa version 2007.

Avis contraires et polémiques

Certains s’accordent même à dire que l’orthographe est une décoration : celle-ci n’est apparue qu’au XIXe siècle et répondait surtout à des problèmes de l’ancien temps, comme celui du graphisme : la lettre h, par exemple, est venue compléter les mots huit et huis pour que ces derniers ne soient pas confondus avec les verbes vit et vis. En effet, beaucoup ne faisaient pas encore la différence graphique entre les lettres U et V.

Que les aînés se rassurent : les deux orthographes sont admises ! Malgré tout, plusieurs s’entêtent à vouloir sauver l’ancienne orthographe. D’autres s’inquiètent des problèmes de réédition, à cheval entre les vieux manuscrits et une orthographe en devenir, les têtes risquent de s’y mélanger !

Comment s’est débrouillée la génération de 1935, alors ? Elle s’est adaptée. La transition s’est manifestée doucement, sans brusquerie. Et les ajustements se sont fait naturellement, au point que les élèves n’ont jamais été choqués de voir, dans leurs livres, se chevaucher deux orthographes très semblables l’une à l’autre (clef et clé, par exemple).

Difficile, n’est-ce pas, de se défaire d’une habitude ? Le problème est bien là. On crée la polémique, on s’émeut de voir le français modifié, tout ça pour un i (abîme) qui perd son chapeau. Au final, c’est un peu comme tout le reste : une langue doit composer avec son temps et se ranger aux normes sociales ; combien d’entre nous, par exemple, prononcent évènement et non événement? Ici, la réforme troque les accents pour respecter la prononciation usuelle (comme l’ancien collège qui s’écrivait collége).

Et là est, précisément, tout l’intérêt du progrès.