« Cassandre, c’est celle qui détient la vérité, mais celle que personne ne croit, donc le parallèle avec Joanne s’est fait rapidement », explique l’autrice de la pièce Nos Cassandre, Anne-Marie Olivier. Ces paroles font référence à la lettre écrite par la docteure Liu et publiée dans le Globe and Mail en mars 2020, dans laquelle celle-ci alertait sur le fait que « le Canada [devait] se préparer au pire » face à la pandémie de la COVID-19.
C’est à travers le registre de la tragédie grecque, dans laquelle les personnages s’expriment sous forme d’alexandrins, que la figure de Cassandre, qui avait prédit la chute de Troie sans jamais être crue, apparaît entre plusieurs scènes, illustrant les différents moments de la vie de la docteure Liu.
De la crise du choléra en Haïti à l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, en passant par les camps de migrants en Libye, différents épisodes marquants de la carrière de cette dernière sont représentés.
« Le défi a été de trouver un fil rouge qui reliait tout ça, précise le metteur en scène de la pièce, Frédéric Dubois.. [Dans la pièce], ça a été l’indignation et l’obligation de ne pas oublier qu’il faut s’engager. »
L’un des enjeux que mentionne M. Dubois a été la mise en scène de ces évènements dramatiques pour les faire ressentir au public. La scénographie évoque la froideur et l’impersonnalité des milieux médicaux, notamment par la présence de rideaux translucides en fond de scène ou par l’utilisation de vêtements pour milieu stérile à certains moments. Une ambiance qui évoque les moments où les équipes médicales racontent avoir vu des personnes « mourir seules », que ce soit du virus Ebola au Nigéria ou de solitude dans les CHSLD du Québec pendant le pic de la pandémie de la COVID-19.
« J’ai entendu des histoires qui vont me hanter pendant des années, souligne le personnage de Joanne Liu dans la pièce. Celle d’une femme enceinte qui a été obligée de rester debout sur un pied pendant des heures, au milieu d’une cour en plein soleil, jusqu’à ce qu’elle tombe d’épuisement. Elle m’a dit : “mon histoire n’est pas la pire.” »
M.Dubois explique avoir essayé « d’exposer au plus simple possible cette parole-là » pour qu’elle résonne auprès du public. « On ne peut pas ne pas être touchés par ça », affirme le metteur en scène.
C’est aussi le rôle politique de présidente de MSF de la docteure Liu qui est raconté sur les planches. Le public peut notamment y découvrir la mise en scène d’un échange qu’elle a qualifié de « corsé » entre elle et Barack Obama, alors président des États-Unis, à la suite d’une frappe américaine meurtrière sur un centre de MSF à Kunduz, en Afghanistan, en 2015.
« L’histoire était très bien racontée, témoigne Véronique, une spectatrice, en sortant de la pièce. C’était percutant et humain. Quel courage ! »
Si la docteure Liu a accepté que son histoire soit transposée au théâtre, c’est parce que, selon elle, « l’art est un véhicule important pour changer les choses. »
« À mon retour des centres de détention de Libye, j’avais été tellement profondément troublée que j’avais dit à un ami : “Il faut que je voie de la beauté pour croire encore en l’Homme”, illustre-t-elle. Je suis partie voir de l’art, car c’était la seule chose qui m’apaisait. »
La pièce Nos Cassandre est présentée jusqu’au 3 février prochain au théâtre Espace Libre.
Tarifs :
– Régulier : 35 $
– 35 ans et moins : 28 $
– Étudiant en théâtre : 20 $