Volume 19

Noël à la carte

Tanné du réveillon toujours pareil, de la sempiternelle messe de minuit ? Fêter Noël avec les païens de Montréal pourrait être une bonne option : les travaux d’un groupe de chercheurs en anthropologie de l’UdeM montrent que le paganisme rompt avec la rigidité chrétienne, en personnalisant les croyances et les rites.

 

 

 

 

Halloween? Non, Yule. John David Hickey et Ryan Sauve, deux païens de Montréal, revêtus de symboles évoquant les énergies de la nature prête à renaître après le solstice d'hiver. Crédit The art of april-Anna

 

 

 

 

« Le paganisme est un terme générique employé pour désigner les religions qui ne s’appuient pas sur le judéo-christianisme, et ceux qui se considèrent comme païens sont souvent attirés par les traditions des peuples européens préchrétiens comme les Germains et les Celtes », explique Ryan Sauve, un membre de la communauté païenne de Montréal depuis quatre ans. La philosophie païenne est fondée sur le culte de la nature et la vénération de plusieurs déités, mais il existe plusieurs branches.

« Notre Noël à nous, c’est Yule, une veillée le 21 décembre », raconte John David Hickey, un autre païen de Montréal. Le 21 décembre, c’est le solstice d’hiver, la nuit la plus longue de l’année.

Yule fête le retour du soleil, car à partir de cette date, les jours commencent à rallonger.

Célébrée à l’origine par les peuples germaniques, cette fête aurait été récupérée par les chrétiens qui, au lieu de commémorer la renaissance de la nature au sortir des jours les plus sombres, en ont fait les réjouissances autour de la naissance de leur messie.

La veillée dont parle M. Hickey est une façon d’accueillir à nouveau la lumière : on maintient une flamme pendant toute la nuit afin de fusionner la lumière du feu à celle du jour. Les rituels païens (qu’ils soient pratiqués par un seul individu ou dans un groupe) impliquent souvent la création d’un cercle magique et l’évocation du pouvoir des éléments naturels – eau, terre, feu et air. On est bien loin du père Noël et de Rudolph le renne au nez rouge. Noël et Yule ont pourtant un gros point en commun: un arbre décoré, qui symbolise la renaissance de l’année dans la tradition païenne.

La principale caractéristique des rites païens, c’est la récupération et le mélange d’éléments de traditions et d’époques différentes comme la méditation, les traditions germaniques, ainsi que certains mythes romains et de la Grèce antique. Le Groupe de recherche diversité urbaine (GRDU) de l’UdeM étudie de près ce phénomène de «bricolage spirituel» sous la direction de la professeure d’anthropologie Deirdre Meintel. Dans son article « Ritual Creativity : Why and what for ? Examples from Québec» actuellement soumis pour publication, Mme Meintel a résumé le travail de recherche de son équipe, mené dans diverses communautés religieuses de Montréal et Québec. « La créativité rituelle a pour but de garder la spiritualité dynamique. Pour ces individus, il est important que les rituels mondains ne deviennent pas routiniers. L’adaptation des rituels peut aussi permettre de mieux accueillir les membres», explique-t-elle.

Rosemary Roberts, assistante du groupe de recherche, qui a produit une thèse de doctorat ainsi qu’un document de travail sur les païens contemporains, explique que ce « bricolage » ou « syncrétisme » spirituel est un aspect propre au paganisme moderne par lequel les païens cherchent à développer des façons de célébrer satisfaisantes pour eux-mêmes. La spiritualité sur mesure, en quelque sorte. Mais la liberté n’est pas totale non plus. « Il est important de souligner que cela n’est pas un processus fait au hasard, mais un choix bien réfléchi. Il y a beaucoup de variables, mais les pratiquants ne choisissent pas n’importe quoi. C’est souvent l’impression qu’on a dans les textes écrits là-dessus. Pour les rituels de groupe notamment, on est moins libre de faire ce qu’on veut », précise Mme Meintel.

Pour Courtney Miller, une païenne de longue date qui vient d’arriver à Montréal, « la responsabilité est une notion essentielle dans le paganisme : chacun doit décider pour lui-même de ce qu’il croit, et il est tout à fait acceptable d’emprunter des éléments de différentes traditions. Personnellement, j’ai incorporé beaucoup de Kabbale [une tradition ésotérique du judaïsme] dans mes philosophies. » Laura Jankovics, une autre païenne montréalaise, met plutôt l’accent sur les énergies de la nature et confirme qu’« en général, les païens aiment penser par eux-mêmes ».

Comme le paganisme consiste souvent en un chemin spirituel solitaire, il est difficile de tracer les contours de la communauté païenne de Montréal. Cela ne l’empêche pas d’être active, selon Ryan Sauve. « À l’occasion des célébrations majeures, on peut être une centaine à participer aux grands rituels », explique-t-il.

Mais le côté en apparence individualiste de la philosophie païenne ne doit pas dissuader les fêtards de se joindre à cette communauté. « On est ouverts à quiconque est intéressé », conclut Mme Miller.

Joyeux Yule !

Afin de vous préparer à la célébration de Yule, vous pouvez visiter Le Mélange Magique, un des hauts lieux de la culture païenne montréalaise. Situé au 1928, rue Ste-Catherine Ouest, ce magasin approvisionne la communauté avec un assortiment de livres et d’objets rituels magiques – bougies, herbes, cartes de tarot… Le magasin partage son espace avec le Centre de Ressources Païennes de Montréal, le service local d’information sur le paganisme et la communauté païenne de Montréal. Si vous désirez participer à un rituel public de Yule, vous pouvez aller au Sort et Sortilège, une boutique également dédiée au paganisme. Ils organisent un rituel public le 17 décembre à 19 heures au 4933, rue de Grand-Pré. Cette célébration remplace celle du 21 décembre qui tombe un jour de semaine, ce qui rend difficile l’organisation d’une veillée.

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