Mordus de langues

icone Societe
Par Edouard Ampuy
mardi 27 août 2019
Mordus de langues
Les participants au Langfest, la fin de semaine dernière à l'UdeM (Crédit photo Édouard Ampuy).
Les participants au Langfest, la fin de semaine dernière à l'UdeM (Crédit photo Édouard Ampuy).
Du 23 au 25 août dernier s’est tenue la 4e édition du Langfest, le rendez-vous annuel des aficionados des langues. Organisé sur le campus de l’UdeM, le festival a proposé trois jours de conférences, l’occasion de découvrir l’apprentissage multilingue, une technique privilégiée par certains passionnés polyglottes.
Le Langfest s’adresse à toute personne qui s’intéresse aux langues ou à la culture en général. Après trois éditions à Concordia, le festival propose désormais ses conférences sur le campus de L’UdeM. Cette année, les conférenciers principaux ont été les linguistes David J. Peterson, créateur de langues fictives, notamment pour la série télévisée Le Trône de fer (Game of Thrones), et Marc Okrand, créateur du klingon, une langue entendue dans la série Star Trek.

L’ancien étudiant de l’UdeM Nikolas Gomez, titulaire d’un baccalauréat par cumul en langues modernes, parle sept langues : l’espagnol, le français, l’anglais, le portugais, l’italien, l’allemand et le catalan. Ce polyglotte, qui voyage actuellement en Europe, raconte s’être initié à plusieurs langues simultanément. Pour lui, c’est une méthode qui fonctionne. « Après avoir appris ta première ou deuxième langue étrangère, c’est une très bonne technique, parce qu’on peut faire plein de parallèles entre les différentes langues », détaille-t-il.

La professeure de langues et conférencière pour le Langfest 2019 Elisa Polese utilise pour ses cours en ligne sa propre méthode d’enseignement multilingue, qui repose sur l’idée qu’apprendre plusieurs langues à la fois est plus efficace et plus rapide. « C’est une méthode qui te permet de passer d’une langue à une autre avec facilité, et de ne pas mélanger les langues », soutient-elle.

Mme Polese ajoute qu’il est également bénéfique de varier les familles de langues. « C’est un avantage, parce que quand tu passes de l’apprentissage de deux ou trois langues similaires à une langue qui n’a rien à voir, tu te reposes. »

Un choix des étudiants

La responsable de la coordination académique du Centre de langues de l’UdeM, Gabrielle Lodi, explique que l’Université ne propose pas de cours multilingue, mais que les étudiants peuvent faire le choix de créer leur propre programme.  « Ce que nous offrons, ce sont des cours réguliers dans plusieurs langues, mais rien n’empêche les étudiants d’en suivre plusieurs », illustre-t-elle. Elle mentionne que des cours de langues sont offerts à tous les étudiants, de toutes les facultés et de tous les départements. « Chaque étudiant fait son cheminement selon ses objectifs, ses besoins, ses projets de carrière », conclut-elle.

Nikolas Gomez souhaiterait que l’UdeM puisse proposer une technique d’enseignement similaire. Selon lui, cette méthode serait avantageuse. « Je le dis par expérience, ça requiert beaucoup d’efforts d’apprendre trois langues sur trois ans, et je pense que cette méthodologie faciliterait l’apprentissage », estime-t-il.

Également présent au Langfest, le co-fondateur du site Internet spécialisé dans l’apprentissage linguistique LingQ, Steve Kaufmann, confie utiliser une méthode qui se base sur beaucoup d’écoute et de lecture. Pour ce polyglotte, qui apprend actuellement l’arabe, le persan et le turc, passer trois mois sur chaque langue semble être une bonne formule. « Je trouve que trois mois, ce n’est pas mauvais comme période de temps, c’est assez pour rentrer dans une langue, sans oublier l’autre », précise-t-il.

La langue au-delà de la grammaire

Ces polyglottes et linguistes rencontrés lors du Langfest 2019 s’accordent pour dire qu’apprendre une langue, ce n’est pas juste apprendre sa grammaire. L’un des organisateurs du Langfest, Tetsu Yung, parle couramment cinq langues. Selon lui, l’apprentissage des langues dans le système universitaire actuel n’est pas optimal. « La façon dont les langues sont enseignées présentement a ses limites, déclare-t-il. Surtout si les professeurs sont axés sur la grammaire et sur le côté technique. »

Steve Kaufmann partage son opinion. « L’apprentissage est basé sur l’enseignement de la grammaire, déplore-t-il. On force les élèves à utiliser la langue et on les corrige, alors qu’ils ne sont pas capables d’écrire et de parler sans fautes. Tout ça, c’est très négatif et pénible. »

Pour Nikolas, c’est le contraire. Il explique que, pour lui, la grammaire a joué un rôle clé dans son apprentissage linguistique. Il a par exemple appris le portugais et l’italien en autodidacte, en commençant par absorber les notions grammaticales. « C’est parce que j’adore la grammaire, c’est ma façon préférée d’apprendre les langues, s’amuse-t-il. J’apprends les règles, et “that’s it”. »

Nikolas estime que chaque personne apprend différemment et que des méthodologies variées sont bénéfiques pour les personnes désireuses d’apprendre. « Le facteur clé, ça reste ton attitude, car ces méthodes ne servent qu’aux personnes qui s’intéressent beaucoup aux langues », argumente-t-il.

L’ère des polyglottes

Lors du Langfest 2019, Steve Kaufmann a donné une conférence intitulée « Tout le monde peut devenir polyglotte ». « Avant, la source d’apprentissage de la langue était le professeur ou un livre, aujourd’hui nous sommes entourés de contenu, développe-t-il. Il y a tellement de ressources disponibles, on a Netflix, par exemple, qui est fantastique pour l’apprentissage des langues. »

Un point de vue que partage Nikolas Gomez : « On est rendu à un point où c’est tellement facile de pratiquer, on peut écouter des balados, de la musique, regarder la télé ou des films. » Le jeune polyglotte a également complété ses formations grâce à des immersions linguistiques dans les pays dans lesquels il s’est rendu. Il rappelle que l’apprentissage d’une langue passe par la découverte de la culture du pays.