Militantisme politique : où sont les étudiant·e·s?

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Par Alexia Boyer
lundi 3 octobre 2022
Militantisme politique : où sont les étudiant·e·s?
La porte-parole de Québec Solidaire, Manon Massé, en visite à l'UdeM - Crédit photo : courtoisie.
La porte-parole de Québec Solidaire, Manon Massé, en visite à l'UdeM - Crédit photo : courtoisie.
Traditionnellement hauts lieux de militantisme, les universités permettent à plusieurs jeunes de faire leur entrée en politique. À l’occasion des élections provinciales, Quartier Libre s’est demandé ce qu’il en était du militantisme étudiant à l’UdeM.
«On ne peut pas parler de politique sans parler d’histoire, et on ne peut pas parler d’histoire sans parler de politique.»
Clodie Parenteau

L’UdeM compte plusieurs regroupements étudiants affiliés aux partis politiques provinciaux, comme le dévoile le site Internet de l’Université. « L’Université de Montréal est la plus grosse université du Québec, il est donc naturel pour les partis d’y être présents, car elle représente le bassin le plus vaste pour recruter de jeunes électeurs. », explique le professeur de sociologie à l’Université Concordia Jean-Philippe Warren à Quartier Libre.

En revenant brièvement sur l’histoire des ailes jeunesse des partis, il précise que celles-ci ont vu le jour dans les années 1960, à l’époque où le droit de vote est passé de 21 à 18 ans et où la génération des baby-boomers a commencé à représenter une masse d’électeurs critique. Quartier Libre en a rencontré trois qui existent aujourd’hui à l’UdeM.

Impact de la pandémie

Les personnes ayant témoigné auprès de Quartier Libre sont unanimes : la pandémie de la COVID-19 a fait beaucoup de mal aux ailes jeunesse des partis politiques. Le président de l’Association des jeunes péquistes de l’Université de Montréal (AJPUM) et étudiant en première année à la maîtrise en science politique, Matthieu Laflamme-Boucher, explique que les étudiant·e·s étant fatigués de suivre leurs cours à distance et de n’avoir presque que des interactions par écrans interposés, le mouvement n’a donc pas organisé beaucoup de rencontres virtuelles pendant les périodes de confinement.

Le responsable des Jeunes libéraux de l’Université de Montréal (JLQUdeM), Antoine Poulin, qui a décidé de prendre une pause dans le cadre de son baccalauréat en science politique, abonde dans le même sens. Il explique que la période de campagne électorale a constitué un bon moment pour relancer les activités des ailes jeunesse des partis, tout en mentionnant que son regroupement est toutefois moins présent sur le campus que par le passé. « Comme il y a des bureaux de vote, on n’a pas de droit de distribuer de tracts », précise-t-il.

Le député libéral Pierre Arcand discute avec des étudiant·e·s de l’UdeM (Antoine Poulin à droite) -Crédit photo : courtoisie.

 

De son côté, Québec Solidaire Université de Montréal (QS UdeM) aurait été plus actif. Comme le détaille la porte-parole du regroupement et étudiante en deuxième année à la majeure en histoire, Clodie Parenteau, QS UdeM a organisé un débat avec son homologue de l’Université Concordia, reçu plusieurs visites de la porte-parole du parti, Manon Massé, sur le campus, fait signer des pétitions sur la crise du logement et sensibilisé la communauté à l’importance d’aller voter. La jeune militante dit avoir été agréablement surprise par le nombre de personnes qui se sont impliquées bénévolement aux côtés du regroupement. « J’en ai côtoyé une dizaine », détaille-t-elle.

Qui sont ces militant·e·s?

Que ce soit du côté de l’APJUM, des JLQUdeM ou de QS UdeM, les regroupements comptent chacun une dizaine de membres officiels. « Toutes les personnes qui s’impliquent à nos côtés ou participent à nos événements ne sont pas officiellement membres, nuance toutefois Mathieu. En Amérique du Nord, le militantisme étudiant n’a jamais dépassé 5 % des effectifs d’un campus, et en règle générale, on se situe plutôt autour de 2 %. »

Mais quelle est donc la raison qui a poussé ces trois étudiant·e·s à rejoindre l’aile jeunesse d’un parti politique, dans la mesure où ces derniers représentent une si faible minorité sur le campus ? Spécialisée dans les questions autochtones, Clodie répond que c’est parce qu’« on ne peut pas parler de politique sans parler d’histoire, et on ne peut pas parler d’histoire sans parler de politique », avant d’ajouter que son expertise joue aussi sur son militantisme. Elle indique également que militer aux côtés de QS UdeM lui donne l’occasion d’enrichir ses réflexions politiques ainsi que de vivre des expériences formatrices, comme celles d’être interrogée par plusieurs médias.

Mathieu juge quant à lui que s’engager pour un combat « qui est toujours d’actualité et devient même de plus en plus important » est essentiel. Il pense que chaque jeune qui s’intéresse à la politique devrait se rendre au moins une fois dans une rencontre organisée par un parti, et ajoute avoir constaté que, la plupart du temps, les personnes ayant participé à des activités organisées par son groupe sont revenues. « C’est intéressant pour tout le monde de débattre d’enjeux futurs », estime-t-il.

Enfin, Antoine mentionne qu’il est directeur du bureau de comté de Dominique Anglade depuis deux ans et demi et que beaucoup des jeunes libéraux du campus s’impliquent également au niveau provincial. Ce constat n’est pas surprenant, selon M. Warren. « Il y a des liens directs entre l’activisme politique étudiant et la politique, déclare le professeur. Il existe plein d’exemples de gens qui ont commencé avec le militantisme étudiant et ont fait carrière en politique par la suite. »

Militer hors des partis

Certain·e·s étudiant·e·s font également le choix d’exprimer leurs opinions politiques ailleurs qu’au sein d’un parti. C’est notamment le choix du titulaire d’un baccalauréat en philosophie obtenu en 2015 à l’UdeM Vincent Beaudoin, qui s’occupe à temps plein du groupe Riposte socialiste UdeM, qu’il a fondé en 2014. Bien qu’il appelle à voter QS, ce groupe marxiste, présent sur une trentaine de campus au Canada sous le nom de Riposte socialiste étudiante, demeure critique envers la direction du parti.

De son côté, la Société pour l’antispécisme, le véganisme et l’écologie (S.A.V.E.) de l’UdeM a partagé plusieurs contenus portant sur les élections provinciales sur sa page Facebook. Bien qu’elle ne soit en contact avec aucun parti, la S.A.V.E. profite de cette la campagne pour « donner des outils à ceux qui voudraient donner leur vote en fonction de leur opinion sur l’éthique animale » et ajoute qu’ « aucun parti ne prône la fin de l’exploitation animale, mais [qu’]on peut voter pour le moins pire. »

Selon M. Warren, à une époque où la politique traditionnelle est perçue comme dépassée, voir que les jeunes préfèrent militer à l’extérieur des partis n’est pas surprenant. « Le seul endroit où on peut obliger les groupes à respecter les normes de la société, c’est la législation », tient-il néanmoins à rappeler. Ne pas abandonner la participation politique et se rendre aux urnes est donc primordial, conclut-il.