Volume 23

Mieux former les étudiants

Pour bien comprendre les enjeux de santé dans les communautés, il faut d’abord mesurer le poids de l’héritage culturel que les siècles de colonisation ont laissé, selon le chirurgien d’origine innu et ancien coordonnateur du volet autochtone de la Faculté de médecine de l’UdeM, Stanley Vollant. Il prend l’exemple du déshabillage en consultation. « La majorité des gens de 50 ans et plus ont été au pensionnat, explique-t-il. Dans le cas où tu aurais été violé […] et qu’on te demande de te déshabiller, c’est un peu comme revivre le viol. C’est pourquoi le déshabillage par section [par étape] est fortement recommandé. »

Durant la formation, les étudiants pourront assister à trois conférences de leur choix et s’informer sur différents enjeux tels que la sécurité alimentaire, la pédiatrie et les réalités urbaines des Premières Nations. Les décalages culturels s’expriment de différentes manières, selon l’organisatrice de l’événement, coresponsable du GISA et étudiante en deuxième année de médecine à l’UdeM, Maryse Fagnant. Elle en mentionne deux : les préjugés et l’accessibilité, comme l’assurance médicaments. Historiquement, c’est le ministère canadien des Affaires autochtones et du Nord qui s’occupe des autochtones. « Le fédéral n’offre pas les mêmes assurances [qu’au provincial], explique-t-elle. Cela, plusieurs médecins l’ignorent. Quand on prescrit un médicament couvert par la RAMQ [Régie de l’assurance maladie du Québec] à quelqu’un qui est autochtone, il faudrait lui donner un équivalent qui soit couvert par son assurance fédérale. » (Voir encadré Assurances maladie).

En complément aux cours en santé autochtone déjà offerts dans le programme de médecine, le GISA organise cette formation chaque année depuis trois ans. « Le fait d’avoir une meilleure connaissance peut permettre de combattre les préjugés et les jugements rapides », estime Maryse Fagnant.

La finissante au baccalauréat en travail social à l’UdeM Amélie Lapointe espère augmenter ses connaissances en assistant à cette formation. « Je finis mon baccalauréat en service social et je souhaite poser des actions et mobiliser les jeunes pour les aider dans leur réalité sociale, affirme-t-elle. Je trouve que c’est en utilisant leur culture et leurs mœurs qu’on peut arriver à les mobiliser plutôt qu’en cherchant à les assimiler. »

Ouvrir la voie aux étudiants autochtones

En parallèle, le docteur Vollant a beaucoup œuvré pour ouvrir des postes aux étudiants autochtones dans le programme de médecine. « C’est important de promouvoir des postes dans les facultés de médecine, mais aussi d’engager plus d’étudiants autochtones, soutient-il. Ils pourront avoir un rôle très positif auprès de leur communauté, comme leaders, mais aussi comme soigneurs parce que les gens qui viennent de ces communautés-là ont déjà les compétences culturelles. » Toutefois, même si les avancées sont encourageantes, il reste encore des efforts à faire. À ce jour, la Faculté de médecine ne compte que trois étudiants autochtones inscrits au premier cycle. Selon les calculs du docteur Vollant, il faudrait près de 3000 médecins d’origine autochtone au Québec pour que le ratio entre médecins autochtones et la population autochtone soit équilibré.

À la croisée des chemins se trouve également le programme des mini-écoles de la santé. « L’idée est d’aller jouer avec eux, de les stimuler, de leur mettre un sarrau et un stéthoscope, illustre M. Vollant. Leur apprendre à écouter le cœur et à regarder dans une oreille, leur parler de médecine, de santé, de prévention. Peut-être qu’ils ne deviendront pas tous médecins, mais ils vont peut-être aller très loin. » Initialement créé par M. Vollant, ce service est aujourd’hui organisé par le GISA et propose à une quarantaine d’étudiants en santé de partir à la rencontre des enfants dans les communautés.

Stanley Vollant à l’UdeM

L’intérêt pour les questions de santé des Premières Nations à l’UdeM a commencé dès la fin des années 1990 sous l’impulsion de Stanley Vollant. En 1994, il devient le premier chirurgien d’origine autochtone au Québec et décide de prendre en main les questions de santé autochtone. Dans les années 2000, il participe à la mise en place d’une entente entre les Premières Nations et Inuits du Québec avec les facultés de médecine pour garantir l’accès, chaque année, à quatre étudiants autochtones dans ces facultés. Cette entente entre en vigueur en 2008. Deux ans plus tard, il devient coordonnateur du volet autochtone de la Faculté de médecine de l’UdeM. Son passage à l’Université va susciter un vif intérêt de la part des étudiants, et le Groupe d’intérêt en santé autochtone voit le jour en 2010.

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