Culture

Elisavet Kiourtsoglou est venue éclaircir les relations entre musique et architecture lors d'un séminaire donné en août. Crédit Alpha Coulibaly

Mêler musique et architecture

Quartier Libre : Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à Xenakis et aux relations musico-architecturales ?

Elisavet Kiourtsoglou : La question de l’analogie m’a toujours intéressée, surtout de savoir comment l’on pouvait passer d’un domaine de création ou de réflexion à un autre. J’ai découvert Xenakis à l’École polytechnique d’Athènes et je suis alors tombée dans l’univers opaque d’un créateur d’abord ingénieur, qui a fui la Grèce et a été embauché à Paris par Le Corbusier, tout en essayant de trouver un moyen pour composer de la musique. Xenakis n’a jamais suivi de cours au conservatoire, mais il avait une intuition et une oreille. Il n’était pas non plus architecte. Il a eu du mal à se faire accepter dans ces milieux, car il était vraiment à la limite des deux. Mais c’est toujours dans ces espaces que la création prend forme.

Q. L. : Venant avant tout du milieu architectural, comment avez-vous réussi à fonder vos connaissances musicales ?

E. K. : J’ai pris une année de cours de solfège, avec des notions de base et de la théorie, et j’ai beaucoup écouté Xenakis. Deux grands amis musicologues, Makis Solomos et Benoit Gibson, m’ont beaucoup aidée à comprendre son univers. En posant des questions, en allant dans des colloques présenter mes travaux et en écoutant des suggestions, j’ai fini par comprendre le tout, en restant très prudente sur les notions musicales afin de ne pas trop m’avancer dans des choses hors de ma portée.

Q. L. : Comment se définissent les relations entre musique et architecture de nos jours ?

E. K. : Même les interfaces des compositeurs sont graphiques. Il y a donc quelque chose qui se joue sur la représentation. Un autre courant vient plutôt du soundscape (paysage sonore) et de tout ce qui a trait à l’environnement sonore. Il y a également tout ce qui touche à l’acoustique des salles de concert, mais ici, c’est plutôt de l’ordre de la technique.

Q. L. : Quelles sont les principales œuvres que vous avez étudiées ?

E. K. : Xenakis est l’exemple d’une analogie qui existe depuis toujours en architecture : l’analogie harmonique. C’est-à-dire que dès l’Antiquité se posait la question des proportions harmonieuses pour que les édifices soient beaux. J’ai donc étudié le couvent de la Tourette, proche de Lyon, où Xenakis fait un travail de transposition d’un rythme musical et utilise des notions mathématiques (encore très embryonnaires à l’époque). Le deuxième exemple que j’ai analysé est le pavillon Philips, commandé à Le Corbusier pour l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles, et la partition graphique de Metastasis, dont les courbes graphiques ont été une grande inspiration. Finalement, je me suis penchée sur le Diatope, un spectacle lumino-musical mis en place pour l’inauguration du Centre Pompidou, pour lequel le compositeur avait écrit une partition pour la spatialisation du son (1978).

Q. L. : Quelle sera l’orientation de votre projet avec le LEAP ?

E. K. : Il s’agit de mettre au centre de nos recherches la question de l’analogie entre musique et architecture ou entre l’espace et le temps, pour voir s’il est possible de la transposer sur les fonctionnements de notre manière de raisonner.

* « Le travail de l’analogie dans la musique et l’architecture de Iannis Xenakis », décembre 2016.


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