«Tout est une question d’accessibilité, indique le professeur au Département de psychoéducation de l’UdeM, Jean-Sébastien Fallu. Il y a eu une pénurie [de cannabis] qui était prévisible, mais il y a aussi très peu de boutiques, où il faut se déplacer pour attendre dans des longues files d’attente parfois. » Selon lui, étant donné les circonstances, en plus des prix du cannabis légal qui ne conviennent pas à tous, il est évident que le marché noir va perdurer.
Acheter au noir
Sophie*, étudiante à l’UdeM, fait partie des gens qui continuent d’acheter exclusivement du cannabis auprès de leur revendeur habituel. Après avoir goûté le cannabis de la SQDC via une amie, elle ne vante pas le produit. « Le pot de la SQDC que j’ai essayé n’était pas très puissant, mais il faut prendre en compte que mes amies ont acheté ce qui était le moins cher », précise-t-elle.
Il n’en demeure pas moins que le facteur le plus démotivant pour Sophie demeure les prix. « J’ai l’impression que si on veut vraiment du bon pot à la SQDC, il faut payer très cher, comparativement au prix dans la rue », estime-t-elle. Une impression que confirme le dernier bilan de Statistique Canada : le cannabis légal coûterait 30 % plus cher que celui du marché noir. Cette étudiante ne compte donc pas effectuer la transition vers le marché légal. « Surtout que ça fait longtemps que j’achète au même dealer dans la rue, alors il me fait de très bons prix », ajoute-t-elle.
Passer au magasin
Le coût n’est pas le critère principal de tous les utilisateurs. Les effets sont importants pour l’étudiante en études hispaniques Kathleen Lévesque-Touzin, qui a subi par le passé des effets désagréables en raison des fortes concentrations de THC contenues dans certains types de cannabis.
Désenchantée d’avoir vécu une telle expérience, elle apprécie les avantages reliés à l’achat du cannabis en magasin. « J’aime parler avec une personne formée et choisir un produit selon les effets que je recherche, relate-t-elle. Je n’ai pas eu d’effets indésirables jusqu’à présent et c’est parce que je fume seulement du cannabis avec des taux de CBD plus élevés que de THC. Pour ce qui est du prix, je trouve que ça en vaut la peine. »
Également chercheur à l’Institut universitaire sur les dépendances, M. Fallu sonne l’alarme sur les risques liés au cannabis illégal. « Il n’est pas nécessairement contrôlé et on peut y retrouver toutes sortes de métaux lourds, de moisissures et de pesticides », avance-t-il. Des éléments pouvant causer des dommages au cerveau et au corps humain.
La SQDC rapporte des profits de plus de 40 millions de dollars, fruits de la vente d’environ 5,7 millions de grammes de cannabis. Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Et le cerveau dans tout ça ?
Reste que le cannabis légal soulève lui aussi des inquiétudes, notamment chez les élus. Parmi les multiples effets qu’il provoque, ceux pouvant affecter le cerveau inquiète la Coalition Avenir Québec (CAQ). Le parti souhaite augmenter l’âge légal de consommation à 21 ans. « Au-delà des théories, quand on regarde les données d’études empiriques, ce que l’on voit c’est surtout des risques liés à la consommation initiée avant 16 ans », nuance M. Fallu.
Plus précisément, consommer du cannabis avec une concentration élevée de THC peut être source de risques, explique-t-il. « C’est elle [la molécule THC] qui est responsable, selon toutes probabilités, des effets potentiels néfastes neurotoxiques et psychotiques du cannabis, signale-t-il. Plus c’est [consommé] tôt et plus c’est lourd [en THC], plus les risques de faire une psychose toxique sont élevés. Même si l’état psychotique est temporaire, quand on en fait une, on peut en refaire d’autres. »
Pour ce qui est des craintes liées aux risques de développer des maladies mentales, telles que la schizophrénie, le ton du professeur est sans appel. « Personne de sérieux ne va prétendre que le cannabis va causer la schizophrénie chez des personnes saines », affirme-t-il. M. Fallu précise que cela demeure un risque chez les gens prédisposés.
* Nom changé, l’étudiante préférant garder l’anonymat et ne souhaitant pas que son programme d’étude soit mentionné.