«L’université, c’est vous!»

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Par Dominique Cambron Goulet
samedi 14 décembre 2013
«L’université, c’est vous!»
Le directeur-adjoint à l’information écrit désormais des chroniques au journal Le Devoir. (crédit photo : Pascal Dumont)
Le directeur-adjoint à l’information écrit désormais des chroniques au journal Le Devoir. (crédit photo : Pascal Dumont)

Directeur-adjoint à l’information au journal Le Devoir, Jean-François Nadeau, était un des membres de l’équipe fondatrice de Quartier Libre (QL) en 1993. En plus d’avoir occupé les postes de chef de pupitre de la section Société-Monde et de rédacteur en chef, il est à l’origine du nom du journal.

 «Quartier Libre, c’est un clin d’œil à Quartier Latin [le journal des étudiants de l’UdeM de 1919 à 1973], mais c’est aussi le titre d’un poème de Jacques Prévert, précise Jean-François Nadeau. C’est une espèce d’éloge à la liberté, et il y avait ce sentiment dans le journal.» Il s’est battu pour que ce nom soit préféré à L’Ombre jaune, en référence à la série de romans Bob Morane.

Ce nom a été décidé lors de la soirée de fondation du journal, dans un appartement du Village. « Je me suis retrouvé là un peu par hasard, se souvient M. Nadeau. Cela faisait quelques jours que j’étais arrivé à Montréal pour mon doctorat en science politique et quelqu’un m’avait dit que le journalisme étudiant n’allait pas bien à l’UdeM. »

Toutefois, il ne s’agissait pas d’une première expérience dans un journal étudiant pour le jeune doctorant. «J’avais collaboré au journal étudiant de l’Université Laval et j’avais dirigé le journal des étudiants en science politique là-bas », rappelle-t-il.

Journalisme engagé

Lors de ses années passées à QL, Jean- François Nadeau se souvient qu’il y avait certains collaborateurs plus «baba cool» et d’autres plus engagés. «De mon côté, je voyais le journalisme étudiant plus comme une activité militante, indique-t-il. La configuration des lieux à l’UdeM n’incite pas à la solidarité entre les étudiants et je trouvais que le journal combattait cet individualisme.»

Selon lui, les journaux étudiants servent à éveiller les consciences et les esprits, ce qui s’accorde avec la mission première des universités. « L’université, c’est le lieu où les étudiant s ont un espace de réflexion, assure-t-il. Ça ne peut pas être juste un lieu d’accompagnement vers la vie professionnelle comme on essaie de le faire croire aujourd’hui. Il y a plus que cela dans l’université.»

Celui qui travaille depuis plus de dix ans pour Le Devoir croit que la presse étudiante permet de rendre compte des affaires universitaires, que la société a tendance à négliger. «Les étudiants sont vus comme des consommateurs, des clients, soutient- il. Mais l’université, sans les étudiants et les profs, n’existerait pas.» Il explique que lors de son passage à QL, l’équipe trouvait important d’intéresser les lecteurs à l’extérieur des murs de l’UdeM. «On faisait partie de la société tout en étant partie prenante de l’Université», croit-il.

C’est pour cette raison que le réseau de distribution avait été élargi. «Nous allions livrer au centre-ville nous-mêmes, en camionnette, relate-t-il. Nous avions augmenté le tirage et même publié lors d’un été.»

De nombreux déménagements

Parmi ses souvenirs les plus frappants de Quartier Libre, le nombre élevé de changements de local a irrité M. Nadeau. «On a dû déménager cinq fois en deux ans pour gagner notre indépendance de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM), où étaient nos locaux au début, raconte-t-il. Moi, je déteste ça déménager !» Il explique qu’ils se sont ensuite retrouvés sur le Chemin de la Côte-des-Neiges au-dessus du restaurant Subway au niveau de Jean-Brillant. « À cause de Quartier Libre, j’ai développé une aversion complète pour l’odeur de ce fast-food, témoigne-t-il. Cela représente une torture incroyable.»

L’ancien rédacteur en chef se rappelle que les différents locaux du journal étaient comme son deuxième appartement et que les longues nuits de travail y étaient fréquentes. «On finissait souvent après la fermeture du métro et on rentrait à pied, ou on allait manger dans des restaurants ouverts 24 heures, note-t-il. J’avais beaucoup de plaisir là-dedans, c’était très fraternel.»

Lors de ses études doctorales à l’UdeM, Jean-François Nadeau admet avoir passé plus de temps au journal qu’à l’Université. « Pour moi, l’UdeM, c’est Quartier Libre, souligne- t-il. Ce qui me plaisait c’était le journal étudiant. J’ai appris plus en quatre ans là qu’en traînant dans des corridors de départements. » Il s’est ensuite dirigé vers l’UQAM pour compléter un doctorat en histoire.

Même s’il travaille lui-même aujourd’hui dans le monde de la presse, Jean-François Nadeau juge qu’il ne faut pas voir le journal uniquement comme rampe de lancement vers le monde professionnel. «Cela peut servir à toute sorte d’affaires, dit-il. Les étudiants en droit, en science po, en littérature qui écrivent, c’est une richesse. » Pour lui, c’est un lieu d’échange qui doit rester ouvert à tous.