L’UdeM, au cœur du Quartier latin

icone Campus
Par Thomas L. Chabot
lundi 10 avril 2023
L’UdeM, au cœur du Quartier latin
Tirant ses origines de la France moyenâgeuse, le Quartier latin désigne l’arrondissement qui entoure le cœur universitaire d’une ville. Certains seraient portés à penser que celui de Montréal porte ainsi ce nom en raison de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ou du Cégep du Vieux Montréal, mais il n’en est rien. Près d’un siècle avant l’inauguration de ces deux établissements, l’Université de Montréal (UdeM) avait pignon sur la rue Saint-Denis.

Succursale de l’Université Laval à ses origines, l’Université Laval de Montréal est fondée en 1878 et est la première université francophone de la métropole. Elle loge, pour ses premières années, sa Faculté de théologie au Grand séminaire de Montréal, sa Faculté de droit au cabinet de lecture des Sulpiciens et sa Faculté de médecine au château Ramezay.

La naissance d’un quartier

Afin de regrouper ses activités, l’Université est autorisée à faire construire un nouveau bâtiment près de la paroisse Saint-Jacques. À l’époque, ce secteur regroupe l’élite et la bourgeoisie canadienne-française. L’arrivée de l’établissement confirme la place du quartier comme principal foyer intellectuel francophone des Amériques.

En 1873 est fondée l’École polytechnique, qui déménagera en 1905 au 1430 de la rue Saint-Denis, quelques années après son affiliation avec la Faculté des arts. Puis le 8 octobre 1895 est inauguré l’immeuble central de l’Université Laval à Montréal, situé au 1265 de la rue Saint-Denis, à l’intersection de la rue Sainte-Catherine. Quelques années plus tard, d’autres établissements scolaires ouvrent leurs portes, dont l’École des hautes études commerciales (HEC), en 1907, au 535 de la rue Viger Est, ainsi que la bibliothèque Saint-Sulpice, en 1915, au 1700 de la rue Saint-Denis.

L’École littéraire de Montréal, association fondée en 1895 et active jusqu’en 1935, se forme parallèlement au développement du quartier, qui, pour la première fois, rassemble les diverses institutions intellectuelles canadiennes-françaises. Au fil des ans, de grandes figures y passent, parmi lesquelles les poètes Émile Nelligan, Jean Charbonneau et Louis-Honoré Fréchette, ou encore l’écrivain Claude-Henri Grignon.

Malheureusement, trois incendies frappent les édifices de l’Université entre 1919 et 1921. Malgré ces drames, celle-ci obtient son indépendance de la part du Vatican le 8 mai 1919 et l’adoption de sa première charte provinciale le 14 février 1920. L’établissement profite de cette autonomie pour fonder sept nouvelles facultés et les inclut dans ses installations du Quartier latin.

 

Le départ du Quartier latin

Bien qu’aménagé pour accueillir plus de 1 000 étudiants, le 1265 de la rue Saint-Denis devient vite étroit pour la communauté grandissante de l’Université. Si, en 1878, seuls 86 étudiants sont inscrits, ils sont 732 en 1898 et 6 000 en 1942.

Après plus de trente ans à occuper l’avant-scène du Quartier latin, la décision est prise en 1924 de transférer le terrain de l’ancienne carrière Bellingham à l’UdeM, afin qu’elle puisse y construire de nouvelles installations. La construction de l’actuel campus sur montagne, supervisée par l’architecte Ernest Cormier, débute officiellement en 1930, deux ans après son inauguration officielle en 1928. Les travaux ne se terminent qu’en 1943, après de nombreux problèmes financiers et une mise sous tutelle du gouvernement provincial.

À la suite du déménagement de l’Université en 1942, le bâtiment du Quartier latin est laissé à l’abandon, avant d’être démoli en 1969 pour faire place au pavillon Hubert-Aquin de l’UQAM. L’édifice abritant l’École Polytechnique de Montréal se transforme alors en l’actuel pavillon Athanase-David.

Le bâtiment qui hébergeait la bibliothèque Saint-Sulpice, toujours debout, deviendra en 2026 la Maison de la musique, a annoncé la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, en juin 2022. Quant au premier édifice de HEC, il abrite depuis l’an 2000 le Centre des archives nationales du Québec à Montréal, après avoir accueilli le Collège Dawson de 1970 à 1988.

L’ancien bâtiment principal de l’UdeM (Crédit: Juliette Diallo)

Le lieu original de Polytechnique Montréal (Crédit: Juliette Diallo)

La bibliothèque Saint-Sulpice (Crédit: Juliette Diallo)

L’ancien HEC Montréal (Crédit: Juliette Diallo)

La présence de l’UdeM sur la rue Saint-Denis a été marquée par le passage de plusieurs étudiant·e·s entrés dans l’histoire du Québec, parmi lesquels les anciens premiers ministres Paul Sauvé, Daniel Johnson (père), Maurice Duplessis et Jean-Jacques Bertrand, le fondateur de l’Institut de microbiologie et d’hygiène de l’UdeM Armand Frappier, les avocats George-Émile Lapalme et Édouard Montpetit, la première poétesse de la province Blanche Lamontagne-Beauregard, l’ancien gouverneur général du Canada George-Philéas Vanier, ou encore l’ancien vice-premier ministre Paul Gérin-Lajoie.

L’ancien bâtiment principal de l’UdeM, en couleur

Une vue du côté de l’ancien bâtiment principal de l’UdeM

Le départ de l’UdeM a sonné le début du déclin du quartier, les familles de la bourgeoisie francophone décidant d’aller s’installer elles aussi sur la montagne, et plus précisément dans l’arrondissement Outremont

 Le dernier vestige de l’épicentre du Quartier latin historique, le clocher de l’Église-de-Saint-Jacques, se trouve désormais au sein du pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM.

Un pôle culturel et intellectuel

L’effervescence intellectuelle du Quartier latin a notamment donné naissance à la Librairie Tranquille, où ont été mises en vente les 400 premières copies du manifeste Refus global de Paul-Émile Borduas. Le journal étudiant Quartier latin, qui a fait la renommée des étudiants de l’UdeM, a aussi été fondé en 1895 et n’a cessé d’être publié qu’à sa dissolution en 1969.

 

*Toutes les photos sans crédit proviennent du site Web de la BAnQ.