En février 2023, l’UdeM a organisé sa première Semaine de prévention du racisme et de la discrimination pour lutter contre la discrimination systémique et structurelle, en particulier envers les groupes sous représentés tels que les personnes racisées et autochtones. La Politique visant à favoriser un milieu de travail, d’études et de vie empreint de respect et exempt de toute forme d’incivilité, de harcèlement et de racisme1, établie le 12 décembre dernier, reconnaît ces dynamiques. «Les nombreux signalements concernant le racisme et la discrimination [sur le campus] auprès du Bureau du respect de la personne inquiétaient l’institution, affirme la directrice du Bureau du respect de la personne (BRP), Isabelle Chagnon. L’objectif, c’est la reconnaissance d’un problème au niveau systémique, le but est de démarrer un dialogue.»
Des mesures concrètes ont été énoncées, telles que la création d’un comité consultatif et une augmentation du financement pour la recherche sur l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI). Le BRP est responsable de l’application de la politique et est disponible pour signaler tout comportement inapproprié. Malgré la mise en place de ces mesures concrètes, certain·e·s étudiant·e·s ont exprimé des réserves quant à l’approche de l’Université en matière de politique antiraciste.
«Je trouve qu’attendre le Mois de l’histoire des Noirs pour faire une campagne de sensibilisation, ça montre le peu de conviction qu’il y a, témoigne l’étudiant en deuxième année au baccalauréat en informatique, Mathis Morra Fischer. Ça donne l’impression qu’ils suivent le courant, qu’ils agissent par obligation et ne donnent d’importance à la cause qu’un mois dans l’année. Cela étant dit, je pense sincèrement que l’UdeM est l’un des endroits où j’ai vu le moins de discrimination dans ma vie.»
La conseillère spécialisée au BRP Alessandra Devulsky admet que lancer la campagne en février pouvait sembler irrespectueux envers d’autres communautés minoritaires racisées. Selon elle, le moment était toutefois opportun pour profiter de l’ouverture d’esprit des étudiant·e·s et faire passer le message de sensibilisation contre le racisme.
Un message qui peine à se diffuser
Quartier Libre a rencontré une dizaine d’étudiant·e·s, dont plusieurs ne semblaient pas au courant des initiatives antidiscriminatoires mises en place sur le campus. L’étudiante en deuxième année au baccalauréat en psychologie Alexandra Cochelin précise ne pas avoir eu connaissance des mesures de prévention en dehors de la campagne qui a eu lieu en février. «J’ai l’impression d’être passée à côté de toutes ces informations», affirme sa camarade inscrite dans le même programme, Cathleen Karam. «Bien que cela ne fasse pas partie de leur travail, si les professeurs en parlaient, cela pourrait peut-être faire une différence», estime-t-elle.
Si ces mesures ne sont pas particulièrement marquantes pour certain·e·s, elles relèvent d’une forme de performativité pour d’autres. «La campagne est faite pour interpeller les personnes qui ont besoin de soutien, et on a fait en sorte qu’elles aient les ressources disponibles», affirme Mme Chagnon. L’étudiante en troisième année au baccalauréat en architecture Célia Estelly considère que bien que des moyens soient mis en place, elles ne sont qu’un début et que communiquer davantage sur le sujet est essentiel. «C’est une initiative nécessaire, mais qui ne m’a pas percutée», précise-t-elle.
Un impact a tout de même été observé à l’interne, selon Mme Devulsky. Il y a eu une «augmentation palpable des signalements [d’actes à caractère discriminatoires] au cours des deux dernières semaines», à la suite de la mise en place des affiches avec un code QR et du matériel en ligne de la campagne de sensibilisation. Bien que celle-ci semble avoir produit des effets, il est encore trop tôt pour mesurer ces derniers de manière définitive, d’après la direction du BRP.
Avant le lancement de la campagne en février, les membres de l’équipe du BRP ont travaillé pendant plus d’un an avec des groupes ayant une certaine représentativité et proposant un dialogue ouvert avec les membres de l’UdeM. Mme Chagnon souligne l’importance des discussions, notamment avec plusieurs associations étudiantes, dont la FAÉCUM et le Comité antiraciste et inclusif de l’École de travail social de l’UdeM (CAÉTSUM), composé de professeur·e·s et d’étudiant·e·s, ainsi qu’avec les syndicats, afin de comprendre les besoins et les enjeux les plus importants de la communauté universitaire.
Cette approche collaborative est cohérente avec les conclusions d’une étude menée par une équipe de chercheur·euse·s américain·e·s en 2019, qui a démontré que les campagnes antiracistes sont plus efficaces lorsqu’elles sont menées en collaboration avec les groupes concernés. Elle prouve également que les campagnes antiracistes ont un impact positif sur le climat des campus. Les participant·e·s ont signalé une sensibilisation accrue à la discrimination raciale, une plus grande disposition à intervenir lors de situations de discrimination et une plus grande satisfaction à l’égard de l’environnement de leur campus.
D’autres initiatives udemiennes
En plus des politiques antiracistes mises en place, des étudiant·e·s et des professeur·e·s de l’UdeM ont mené des actions contre la discrimination et le racisme sur le campus. L’École de travail social a créé une websérie de sensibilisation en cinq épisodes accompagnés de fiches pédagogiques et de guides d’animation pour contribuer à créer un milieu inclusif et exempt de discriminations raciales sur le campus et dans la société. Le CAÉTSUM organise également des activités pour promouvoir l’équité et l’inclusion, en plus de travailler avec d’autres groupes pour la progression de la diversité.
L’Organisation des étudiant·e·s noir·e·s de l’Université de Montréal (ODENUM) «a pour vocation de défendre les intérêts des différentes communautés noires de l’UdeM», selon sa page Facebook. Les diverses associations et groupes présents sur le campus témoignent ainsi d’un engagement soutenu de la part des acteur·rice·s universitaires.
Le BRP a de son côté lancé un sondage avant la campagne pour évaluer la compréhension de l’enjeu du racisme à l’UdeM et pour identifier les ressources offertes ainsi que le type de comportement le plus fréquent, observé et vécu. Elle prévoit également de refaire ce sondage dans un mois afin d’évaluer l’impact de la campagne de sensibilisation au racisme. Mme Chagnon encourage les associations étudiantes à inviter et à contacter le Bureau afin que celui-ci puisse rencontrer les étudiant·e·s et faire connaître ses objectifs.
1. Secrétariat général de l’Université de Montréal (2022) : Adoption d’une Politique visant à favoriser un milieu de travail, d’études et de vie empreint de respect et exempt de toute forme d’incivilité, de harcèlement, de discrimination et de racisme. En ligne.
AVIS AUX ÉTUDIANT·E·SLes étudiant·e·s peuvent signaler tout comportement discriminatoire par téléphone, par courriel ou en utilisant la plateforme de dénonciation en ligne de l’Université. Téléphone : 1-888-222-1658 Courriel : signalement@umontreal.ca Plateforme de dénonciation en ligne : denonciation-udem.icotechnologies.com |