La chargée de cours à l’École de travail social de l’UdeM Jacinthe Rivard coordonne la recherche et anime le comité de reconnaissance formé par les cochercheuses. Ce groupe est composé de femmes âgées d’en moyenne 50 ans qui vivent ou ont vécu en situation d’itinérance. Des 20 participantes présentes au départ, douze sont toujours impliquées dans le projet.
L’objectif est de rendre visible l’itinérance au féminin. « L’itinérance telle qu’elle est décrite correspond davantage à une itinérance masculine », expose Mme Rivard. Le travail effectué permet de dresser un portrait de la situation. « Les femmes décrivent les services qu’elles ont reçus et expriment ce qu’elles auraient voulu recevoir, ajoute la chargée de cours. Grâce à ça, on peut imaginer des alternatives pour aider les organismes à s’adapter aux réels besoins des femmes. »
À travers la province
Ce projet de recherche n’est pas exclusif à Montréal. Des entrevues ont été menées en Estrie, en Montérégie, en Mauricie, en Outaouais, à Québec, en Abitibi-Témiscamingue et sur la Côte-Nord. Le comité de reconnaissance est toutefois spécifique à Montréal.
« Nous avons abordé dix thèmes avec les femmes tout au long de nos rencontres, explique l’étudiante à la maîtrise en sociologie à l’UQAM Julie Deslandes. Elles ont discuté sur leur vécu dans la rue, en hébergement, sur les relations interpersonnelles, le travail, etc. Il y avait des thèmes auxquels nous n’avions pas forcément pensé et qu’elles nous ont amenés. » Leurs réflexions ont permis d’adapter les questions d’entrevues destinés aux autres régions, en y ajoutant les thèmes identifiés par les cochercheuses.
Le courage des femmes
L’étudiante à la maîtrise en travail social à l’UdeM Marilou Vinet-Saint-Pierre souligne quant à elle le courage des participantes. « Ce n’est pas facile de se dévoiler et de fouiller dans son passé, mais elles le font car elles jugent que c’est nécessaire, dit-elle. Ces femmes ont une réelle volonté d’agir pour créer un changement social. »
Pour l’étudiante, l’expérience est bénéfique pour les cochercheuses. « C’est une valorisation importante pour elles, explique-t-elle. En étant dans ce processus, elles acceptent ce qu’elles ont vécu, et deviennent encore plus fortes qu’elles ne le sont déjà. Elles veulent devenir une forme de soutien pour les femmes qui vivent les mêmes difficultés. »
Lysette fait partie des cochercheuses liées au projet. « C’est comme l’endroit où je peux dénoncer des choses qui me sont arrivées : les agissements de la police, le manque d’argent, les violences faites aux femmes, énumère-t-elle. Je me sens mieux quand je sors [de la rencontre] car j’ai sorti tout le “méchant”. Ça me fait un bien énorme de savoir qu’on travaille pour les femmes itinérantes. »
Le colloque du mois de décembre permettra de transmettre les résultats non seulement de l’étude, mais également du processus vécu par ces femmes qui ont accepté d’être cochercheuses. « Nous allons parler au nom des femmes qui n’ont pas droit à la parole, les femmes dans la rue, dans les maisons d’hébergement, précise Lysette. C’est une grande chance qu’on a, une grande opportunité. »
Les participantes souhaitent poursuivre leurs rencontres au-delà de la recherche, qui se terminera en 2018. L’une d’entre elles a d’ailleurs proposé la création du groupe Femmes itinérantes anonymes, qui viserait à assurer la pérennité du projet.