L’intelligence mécanique

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Par Laura-Maria Martinez
vendredi 7 avril 2017
L’intelligence mécanique
Le chercheur Bruno Belzile et sa pince robotique. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.
Le chercheur Bruno Belzile et sa pince robotique. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.
Chaque numéro, Quartier Libre met en lumière une découverte scientifique étudiante dans le cadre de la série « Vulgarisation ». Développer le sens du toucher d’un robot sans l’utilisation de capteurs tactiles externes est le défi qu’a relevé le doctorant de Polytechnique Bruno Belzile, ce qui lui a valu le prix de l’étudiant chercheur étoile de mars 2017.

Quartier Libre : Quel était l’objectif de vos recherches ?

Bruno Belzile : Mon objectif était de trouver une solution de rechange aux conventionnels capteurs tactiles extéroceptifs [voir lexique], qui sont très coûteux et qui présentent différents défauts. Installés à la surface des mains robotiques, ces capteurs électriques sont fragiles et sensibles à l’humidité, aux champs électromagnétiques et aux phénomènes dynamiques, par exemple si l’objet [manipulé] glisse.

Q.L. : Comment avez-vous atteint cet objectif ?

B. B. : J’ai utilisé les données accumulées par le moteur présent dans la paume d’une main sous-actionnée pour créer un algorithme qui permet de détecter la présence et la position d’un objet le long des deux doigts d’une pince robotique [voir photo]. J’ai ainsi utilisé la raideur, autrement dit la résistance des doigts quand ceux-ci sont en contact avec un objet. L’algorithme que j’ai développé détecte dans un premier temps la présence d’un objet, puis il estime la position de cet objet le long de chaque doigt.

Comme le moteur est protégé à l’intérieur de la paume de la pince, les différents problèmes des capteurs conventionnels sont exclus, et cela résout en partie le problème de l’objet qui glisse. Ce qui est vraiment intéressant, c’est que toutes les mains robotiques qui existent ont un moteur dont on peut tirer profit pour déterminer, avec ma méthode, où se trouve le point de contact. Surtout, ces capteurs-moteurs sont bien moins chers que les capteurs tactiles conventionnels.

Q.L.: À quel type de main robotique s’applique la méthode que vous avez développée ?

B. B. : Ma méthode s’applique en fait à toutes les mains robotiques, industrielles, chirurgicales ou encore prothétiques. Mais pour les robots chirurgicaux, il faudrait adapter le modèle pour que celui-ci prenne en considération la texture molle des tissus du corps humain. Pour l’instant ma pince peut seulement attraper des objets rigides.

Q.L. : Existe-t-il d’autres prototypes de mains robotiques sans capteurs tactiles ?

B. B. : Il en existe plusieurs, mais tous sont sans rétroaction tactile, donc incapables de détecter le point de contact avec un objet. Sans sensation de toucher, le robot ne saura pas quand il touche un objet et il risquerait de le briser. Dans notre cas, même s’il faut une personne pour contrôler la pince, elle n’a pas besoin de regarder l’objet pour savoir s’il y a un contact, car l’algorithme lui donnera cette information. Ceci est important, car des études ont démontré que les personnes ayant des prothèses dotées de sensations tactiles ont une meilleure capacité à saisir un objet qu’en utilisant simplement leur vue.

Q.L. : Quelle est la prochaine étape ?

B. B. : Pour l’instant, toutes mes expériences se sont faites à partir d’une pince robotique posée à plat sur une table, mais un autre étudiant est en train de créer un adaptateur pour connecter la pince au bout du bras du robot Baxter et ainsi pouvoir saisir un objet dans l’espace. Cette prochaine étape est une application plus concrète.

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