Société

Empreinte environnementale du numérique

L’impact environnemental du numérique : s’attaquer à un problème invisible à l’œil nu

Lancé en 2020 par l’Université de Montréal et le complexe muséal Espace pour la vie, le projet Chemins de transition propose une nouvelle formation sur l’écoresponsabilité numérique. Celle-ci est censée outiller les organisations pour qu’elles diminuent leur empreinte environnementale liée aux technologies.

« On estime que, depuis 2020, le numérique représente entre 3 % et 5 % des émissions de gaz à effets de serre [GES], indique le responsable de la partie numérique de Chemins de transition, Martin Deron. C’est probablement sous-estimé, mais cela place le numérique dans un ordre de grandeur similaire à l’industrie de l’aviation civile ou des véhicules lourds. »

La nouvelle formation que proposent l’UdeM et Espace pour la vie entend sensibiliser au concept d’écoresponsabilité numérique et offrir de nouvelles compétences aux organisations qui travaillent avec les nouvelles technologies. Parmi celles-ci se trouvent notamment les entreprises, les organismes à but non lucratif et les administrations publiques ayant un service de technologies de l’information (TI) ou d’innovation technologique, ou encore les entreprises de conception de logiciels ou de jeux vidéo.

« Ce n’est pas une formation qui va rentrer trop dans la technique, mais ça va donner une meilleure vision sur le système informatique [dans une organisation] et ses sources d’impact environnemental, explique M. Daron, qui met en dialogue une multitude de savoirs aussi bien universitaires, citoyens que professionnels. Ça va aussi faire en sorte d’utiliser du matériel écoconçu, c’est-à-dire qui va durer dans le temps. »

« On s’est rendu compte que c’était peu abordé et que beaucoup d’organisations voulaient davantage incorporer ces questions et ces défis », poursuit le responsable du projet. Selon lui, les cursus scolaires n’intègrent pas vraiment la question de la place des technologies numériques dans la transition socioécologique ni celle de leur empreinte environnementale. « C’est pour ça qu’on a développé la formation avec la Faculté de l’éducation permanente [FEP] », ajoute-t-il.

Faire face à un enjeu croissant

Si le plus grand impact environnemental provient de la production de nouveaux appareils, l’enjeu le plus important reste de savoir comment agir dessus, selon M. Deron. « L’écoconception, c’est un tout, précise-t-il. Plus on développe des services numériques qui sont lourds, plus on développe des fonctionnalités que les gens n’utilisent pas, mais qu’on met dans nos services, car ce sont des options brillantes. »

Cette problématique, bien connue, porte un nom : le syndrome de l’« obésiciel », un mot-valise formé à partir des termes « obèse » et « logiciel ». Celui-ci désigne des logiciels dont les mises à jour sont nombreuses et intègrent de plus en plus de fonctionnalités, surchargeant la mémoire d’un appareil et rendant certains services numériques trop lents, notamment sur d’anciens appareils qui deviennent obsolètes face à la création de nouvelles machines et de services numériques plus performants. Les anciens modèles d’iPhone qui ne peuvent plus supporter les nouvelles mises à jour d’Apple en sont un exemple.

Le plus important, selon M. Deron, est le fait que l’industrie du numérique n’a pas encore réellement de plan de réduction de ses impacts, contrairement aux secteurs des transports et de l’agriculture. « C’est une industrie qui croît de manière exponentielle, notamment à l’ère de l’explosion de l’intelligence artificielle [IA] générative, qui s’immisce dans nos pratiques quotidiennes, souligne-t-il. Pourtant, nous n’avons aucune donnée qui permet de mesurer l’impact de l’IA sur l’environnement avec précision. »

Lors d’une entrevue sur TVA le dimanche 15 septembre dernier, la chercheuse Sasha Luccioni a d’ailleurs déploré la manière d’utiliser l’IA générative pour effectuer une recherche sur internet. Les plateformes Chat GPT ou Midjourney traitent en effet des milliards de données et exigent de puissants serveurs. L’énergie que l’IA dépense a un coût et une empreinte sur l’environnement. 

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