L’effet des nouveaux vendredis

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Par Etienne Galarneau
lundi 15 juin 2015
L’effet des nouveaux vendredis
Selon l’IFPI, le vendredi et le samedi sont les journées où l’achalandage des magasins et des catalogues en ligne est le plus élevé. Crédit photo: Flickr/Nick Southall https://creativecommons.org/licenses/by-nc/2.0/legalcode
Selon l’IFPI, le vendredi et le samedi sont les journées où l’achalandage des magasins et des catalogues en ligne est le plus élevé. Crédit photo: Flickr/Nick Southall https://creativecommons.org/licenses/by-nc/2.0/legalcode
À partir du 10 juillet prochain, les amateurs de musique verront leurs habitudes bouleversées puisque les maisons de disque dans le monde synchroniseront leurs parutions les vendredis. L'International Federation of the Phonographic Industry (IFPI) souhaite offrir aux auditeurs une expérience en adéquation avec l’état du marché global de la musique et de la distribution numérique.

Selon l’IFPI, le système de parutions d’albums variant d’une région géographique à l’autre ne correspond plus à l’état du marché actuel. En Amérique du Nord, les nouveautés sortent généralement le mardi, ce qui n’est pas nécessairement la norme à travers le monde. Ce système créait une certaine inégalité entre les fans d’artistes diffusés dans le monde.

L’IFPI ne cache pas non plus la portée mercantile de cette démarche. Selon l’organisation, le vendredi et le samedi sont les journées où l’achalandage dans les magasins et des catalogues en ligne est le plus élevé. Synchroniser les nouvelles parutions avec cette période de pointe aiderait à stimuler le toujours moribond marché du disque.

Standardisation contre le piratage

Évidemment, en additionnant ces deux arguments, on peut comprendre que l’IFPI tente aussi de diminuer le piratage musical. Ils comptent accomplir cette tâche en stimulant l’achalandage en magasin et en réduisant les possibilités qu’un album puisse couler dans une région géographique avant l’heure. Cependant, cette manœuvre semble aider les artisans de l’industrie du disque plutôt que les artistes eux-mêmes. En effet, tel qu’évoqué dans une chronique antérieure, certains musiciens trouvent leur compte dans la distribution gratuite et indépendante du réseau officiel.

On compte ainsi plusieurs artistes qui ont su profiter d’erreurs dans l’horaire de parution de leurs albums. En mars dernier, à une semaine d’intervalle, les rappeurs américains Kendrick Lamar et Earl Sweatshirt ont fait paraître respectivement les albums To Pimp a Butterfly et I Don’t Like Shit, I Don’t Go Outside sur des plateformes électroniques avant la date de tombée officielle. Les deux incidents ont été attribués à une erreur de leur maison de distribution mais chacun a pourtant profité d’un bon rayonnement médiatique grâce à la surprise de la sortie des fameux disques.

Le contrôle qu’effectue l’IFPI sur la parution internationale des albums peut avoir du bon pour le renouveau du marché du disque mais comporte une bonne part de risques. En premier lieu, il est difficile de croire que le piratage puisse être complètement enrayé grâce à une telle démarche. En deuxième lieu, ce changement dans la date de parution des nouveautés va sans doute demander un certain temps d’adaptation aux clients et aux commerçants.

Ce système de synchronisation des parutions d’albums ne s’appliquera toutefois pas au Japon, où les parutions locales conserveront leur date habituelle de sortie, soit le mercredi. Le modèle japonais distingue ainsi les dates de parution de la production interne et de la production internationale.

Pour peu que ce modèle coexiste à travers le monde, il permettrait de mettre en lumière les artistes locaux et de créer un renouveau parmi les scènes indépendantes et nationales.