L’immixtion du gouvernement dans la liberté universitaire ?

icone Societe
Par Paul Fontaine
mardi 25 janvier 2022
L’immixtion du gouvernement dans la liberté universitaire ?
GR Stocks sur unsplash.com. CC.
GR Stocks sur unsplash.com. CC.

Le Programme d’appui à la laïcité, lancé en décembre dernier par le gouvernement québécois, prévoit de financer des projets de recherche faisant « la promotion du modèle québécois défini par la Loi sur la Laïcité de l’État [loi 21] ». Cette ingérence du politique dans le milieu universitaire ne manque pas de faire sourciller.

Pour le professeur au Département de philosophie Christian Nadeau, cette « commande du gouvernement » faite au milieu de la recherche « [lui] apparaît extrêmement problématique ». La raison de son inconfort : « le thème [du Programme] est lui-même arrimé à une loi du gouvernement dont on dit qu’il faut faire la promotion. »

« J’ai presque l’impression que ça ne s’adresse pas à des chercheurs, confie-t-il. Si le but est de demander des formes de vulgarisation [de la loi 21], alors des gens en communication ou des essayistes font bien l’affaire. » Il n’hésite d’ailleurs pas à qualifier le Programme de « propagande ».

La qualité de la recherche pâtit

M. Nadeau considère qu’orienter les objectifs de recherche nuit à la qualité des projets subventionnés par le Programme. « Plus les résultats sont fixés à l’avance, plus on risque de se concentrer et de se focaliser uniquement sur l’objectif, soutient le philosophe. On perd alors tout ce qui fait la diversité de la recherche. » Selon lui, les connaissances ainsi acquises risquent d’être « moins intéressantes », car il y a « moins de pluralisme ».

Le professeur est d’avis que cette « atteinte à la liberté de recherche » pose non seulement des problèmes « épistémologiques », mais également des problèmes « éthiques et moraux ». Subventionner certains projets au détriment d’autres institue une « hiérarchie des thèmes de recherche ».

M. Nadeau nuance toutefois son propos : « valoriser certains thèmes de recherche, ça ne va pas de soi, mais ça peut s’accepter ». Il donne en exemple le financement de la recherche en lien avec la pandémie de la COVID-19. Dans ce cas, « l’urgence de la situation » permet aux organismes de financement, comme les Fonds de recherche du Québec, de prioriser ce domaine de recherche. Néanmoins, « il faut qu’on ait de très bonnes raisons pour orienter la recherche », résume-t-il