«Il faut être préparé à servir pleinement les intérêts des populations locales avant les siens », déclare le professeur au Département de management et technologie à l’UQAM et spécialiste de l’aide humanitaire, François Audet. Les voyages solidaires impliquent une responsabilité et nécessitent une certaine humilité, selon lui.
L’étudiant au baccalauréat de criminologie à l’UdeM Maxime Gadoua est parti trois semaines au Nicaragua en voyage humanitaire avec sa classe de cégep. « Le programme Caoba Nicaragua lutte contre la déforestation », raconte-t-il. Les étudiants ont été formés au jardinage pour planter des semences d’acajou et ont aidé leurs familles d’accueil dans les tâches quotidiennes.
Pour aider les communautés locales, M. Audet recommande de passer par une organisation institutionnelle ou des structures gouvernementales à but non lucratif, comme Québec sans frontières. « Celui-ci subventionne des stages en fonction de critères spécifiques, comme une formation en agriculture », illustre Maxime.
Selon M. Audet, il faut se méfier des organismes de volontariat. Il explique qu’avec certaines compagnies payantes la coopération humanitaire devient un commerce, la misère un produit, mais aussi une source de profit. « Le tourisme volontaire est de plus en plus répandu dans les agences de voyages qui s’adaptent aux nouvelles envies », précise-t-il. Le principe revient à payer une somme conséquente couvrant les besoins des voyageurs sur place et maximisant la marge de profit des entreprises.
Project Abroad est l’une des plus grandes compagnies de volontariat. Par exemple, pour se rendre quatre semaines en Afrique du Sud et accompagner des enfants orphelins dans leur développement, le prix s’élève à 4 055 $, billet d’avion non compris. « L’action volontaire n’a de sens que si les fonds récoltés ne sont pas versés au secteur privé, mais servent les intérêts des communautés en difficulté », estime-t-il.
Pour son voyage, Maxime a dépensé 1 000 $ tout compris. « Nous savions exactement où cet argent allait : une partie pour nos billets d’avion et les frais de service, et tout le reste revenait aux familles qui nous hébergeaient sous forme de biens, comme la nourriture », note-t-il.
De son côté, l’étudiante au baccalauréat en histoire à l’Université Concordia Crystal Beauchemin est partie quatre mois dans un orphelinat au Ghana en Afrique, avec l’association International Volonteer HQ. « J’étais bénévole, je n’ai payé que mon logement et ma nourriture sur place », souligne-t-elle. Elle a choisi cet organisme parce qu’il travaille avec des organisations locales.
Compétences nécessaires
« Il ne faut pas qu’une professionnalisation se fasse au détriment des besoins sur place », croit M. Audet. Selon lui, dans certaines situations, un niveau de qualification est obligatoire, comme assumer la responsabilité de personnes handicapées, malades ou orphelines.
« Les voyages humanitaires contribuent à mon domaine d’études, car je désire me spécialiser en victimologie, explique Maxime. Il faut être à l’écoute de l’autre et c’est ce qui se passe lorsqu’on fait de l’humanitaire : on se doit d’être là pour la communauté, sans pour autant s’imposer à elle. » Il considère que son voyage l’a aidé à mieux comprendre les défis des pays en voie de développement.
* « L’humanitaire imaginaire » par Isabelle Hachey, La Presse, 9 janvier 2016