«Mon Pays, ce n’est pas un pays, c’est l’Hiver » ; c’est la toune qu’il fallait écouter l’autre samedi, quand la blanche neige québécoise, par milliers de flocons glacés, est tombée pour la première fois de la saison sur Montréal. Pour l’exilé français que je suis, la découverte du patrimoine musical québécois est une expérience savoureuse.
Gilles Vigneault est au folklore québécois – bien qu’il soit Acadien – ce que la poutine est à la gastronomie du pays. Seulement, il n’y a pas que de la poutine au Québec. Il y a aussi des pitounes – et leur vie sentimentale est une chanson d’amour.
Comme toute fiction pulpeuse qui se vaut, commençons par la fin: la pièce est sombre, voire lugubre – c’est une vieille bibliothèque –, au loin une pin-up blonde de cuir vêtue, Julie, s’avance sur des airs de piano mélancoliques typiques du début des années 1990. La poussière du temps s’est accumulée sur le vieux livre relié qu’elle époussette d’un souffle. Un mistral glacial soulève alors les pages jaunies d’un amour déchu. Les effluves humides d’une histoire périmée imprègnent l’air de ces quelques mots : «Ton départ m’a fait mal comme un coup de couteau. » Pour Julie, «c’est zéro».
Retour à la genèse de l’aventure: au début «provocante», la belle Julie s’embarqua « pour une histoire d’un soir » avec Marc-André, ce beau brun mystérieux, sur d’intenses mélodies de piano romanesque. Le lendemain, rassasiée, elle lui fit ses adieux : «Bye-bye mon cowboy ! », chantait-elle. Seulement, Marc-André était déjà possédé par la belle. Pour conquérir son coeur, il lui récita à l’oreille ces quelques vers d’un printemps d’amoureux : «Un baiser de toi me rend si heureux, profitons des joies de nos vingt ans, car demain peut-être que nos coeurs ne connaîtront plus ce bonheur.» C’est alors que de sages paroles retentirent dans le coeur de Julie : « L’essentiel c’est d’être aimé, le reste importe peu. » La pitoune se laissa donc embarquer par ce Don Juan dans une chevauchée sentimentale. Dans le coeur de notre blonde, c’était l’été, et le soleil de Marc-André y brillait de mille feux. «Ton amour a changé ma vie», susurrait-il à la belle, après leurs chaudes étreintes.
L’automne amoureux débuta le jour où, accompagné de son ami Michel, Marc-André croisa l’intense regard bleu d’une inconnue, avec qui il papillonna. Quand Julie eut vent de l’amourette, ses yeux devinrent humides comme la rosée d’un matin de septembre. «Donne-moi ta bouche, je vais t’expliquer », chuchotait Marc-André à Julie, d’un ton léger. «Va pas tout gâcher pour un seul baiser, écoute je vais t’expliquer, mon amour c’qui s’est passé l’autre jour », insistait Marc- André. Julie se laissa faire, et lui pardonna, car elle était amoureuse. Au fond de lui pourtant, Marc- André savait que rien ne serait plus jamais comme avant, et par un blanc matin, déclara froidement, tel un César magnanime, «Toi et moi c’est bien fini». Il partit avec l’inconnue, la mystérieuse «dame en bleu », qu’il avait rencontrée plus tôt. Julie eut « froid dans les veines ». Elle referma le livre. L’hiver amoureux commençait.
Romance en paroles plutôt que roman sans paroles ; les chanteurs suivants ont inspiré cette nouvelle : Julie Masse, Marjo, Marie-Denise Pelletier, Mitsou,Michel Louvain, Robert D e m o n t i g n y, Le s Classels, César et les Romains et P i e r re Lalonde.