Racheté en 2011 par le Cinéma Parallèle, l’Excentris a obtenu un prêt de quatre millions de dollars octroyé par la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC). L’organisme a pu continuer à diffuser 150 films par année. Favorisant une véritable niche pour le cinéma d’auteur au Québec, le Cinéma Parallèle autofinance entre 80 % et 90 % de ses activités grâce à la vente des billets d’entrée en salle. Pour garder le cap, l’entreprise avait besoin de 200 000 $, et l’objectif n’a pas été atteint cette année.
Selon la directrice générale de l’organisme, Hélène Blanchet, la faute incombe aux distributeurs et aux exploitants de la salle, qui ont des objectifs trop mercantiles. « Je ne suis pas dans la théorie du complot, ce sont des pratiques commerciales, je le sais, mais disons que ces grands joueurs [NLDR Les Films Séville et Cineplex] ne regardent pas l’écosystème dans son ensemble », a-t-elle confié au journal La Presse le lendemain de l’annonce de fermeture.
Des titres plus rares, voire difficiles à obtenir auraient pu sauver le cinéma selon elle. Or, il s’agit souvent de films que seuls les grands diffuseurs acquièrent, avec, en plus, un droit de projection de deux semaines. La relation entre la vision commerciale qu’ont certains distributeurs du cinéma et un désir de recettes exponentielles est peut-être source d’aveuglement au sein même de la communauté cinématographique, pense aussi Mme Blanchet.
Des projets pour contrer le scepticisme
Plutôt que de pointer du doigt le matérialisme à tous crins de l’industrie du cinéma, certains artisans du milieu ont pris le parti de réagir avec des initiatives originales et des propositions audacieuses. Celle qui a le plus fait parler d’elle est certainement celle du cinéaste Charles-Olivier Michaud – dont le tout dernier long métrage Anna était à l’affiche le 23 octobre dernier. Le 26 novembre, sur sa page Facebook, le cinéaste a suggéré de créer un collectif formé de collègues artisans qui serait administré comme une coopérative. « Je suis très sérieux », a-t-il insisté dans sa publication. Son approche se veut inclusive et invite les producteurs, acteurs, festivals et cinéphiles à partager le cinéma québécois et international. Cet appel a créé un vif intérêt chez d’autres membres de la communauté cinématographique québécoise, notamment chez le réalisateur Yves-Christian Fournier, la comédienne Christine Beaulieu ainsi que la réalisatrice et actrice Micheline Lanctôt.
De son côté, dans un article intitulé « Is There a Future for Excentris ? » le chroniqueur culturel Alex Rose du site Cult Mtl cite en exemple le siège social du Festival international du film de Toronto, le célèbre Bell Lightbox. Ce complexe comprend cinq salles qui diffusent tout au long de l’année du cinéma d’auteur. Doté d’une histoire comparable à celle de l’Excentris, l’organisme torontois est financé par de multiples sources. Les condominiums qui constituent l’édifice peuvent, par exemple, être loués tout au long de l’année. Les restaurants ainsi que les revenus entrepreneuriaux assurent aussi leur part en rapportant des revenus réguliers. Ce modèle, bien que rentable, ne pourrait pourtant pas s’appliquer si facilement à l’organisme montréalais. Il paraît en effet peu probable que le Cinéma Parallèle se divise en un complexe hôtelier. Sans compter qu’un petit restaurant a déjà occupé une partie des lieux, mais n’a pas remporté un succès suffisant pour sa survie.
À l’ère du numérique et à une époque où les cinéphiles ont de plus en plus de difficulté à témoigner leur fidélité à un complexe en particulier, l’heure est à la remise en question pour le Cinéma Parallèle et l’Excentris. Quel rôle ces derniers veulent-ils désormais jouer dans la diffusion et la projection du cinéma d’ici et d’ailleurs ? Peuvent-ils prétendre maintenir le même objectif qu’il y a quatre ans ? La patience est, dit-on, la mère de toutes les vertus, et il en faudra durant les prochains mois avant de connaître l’avenir de l’institution. Toutefois, une chose demeure certaine : l’Excentris doit envisager une profonde transformation. Autrement, la diffusion et la pérennité du cinéma d’auteur au Québec risquent de s’en trouver bouleversées à jamais.