Campus

Nathalie Ouellette, astrophysicienne et directrice adjointe de l’Institut Trottier, au complexe des sciences de l’UdeM situé au Campus MIL.

L’étoile montante qui fait briller l’astrophysique

Quartier Libre (Q. L.) : Quel effet ça vous fait de figurer dans la liste des 100 femmes les plus influentes au Canada?

Nathalie Ouellette (N. O.) : C’est mélangé. C’est sûr que c’est une fierté et toujours un plaisir de recevoir une reconnaissance de la part de la communauté scientifique.

Mon travail me passionne, et quand je vois que ce que je fais a un impact, j’ai l’impression de bien le faire. Il y a également un sentiment d’inconfort, car ce qu’on fait, c’est un travail d’équipe, et je suis entourée d’une très belle équipe. Chaque fois qu’un de nos membres gagne un prix, on a l’impression que tout le reste de l’équipe le mérite tout autant. Nathalie Ouellette, astrophysicienne et directrice adjointe de l’Institut Trottier, au complexe des sciences de l’UdeM situé au Campus MIL.

Le Réseau des femmes exécutives c’est quoi ? 

Le Réseau des femmes exécutives se qualifie comme la seule entité d’Amérique du Nord à encourager et à promouvoir de manière significative la progression professionnelle des femmes, sans distinction d’âge ou de domaine. Un communiqué o ciel du gouvernement Québec datant de 2017 le définit comme un organisme : « qui souligne, à l’échelle du pays, les accomplissements exceptionnels de femmes professionnelles dotées d’un fort potentiel de leadership dans les secteurs privé, public et à but non lucratif. ».

Q.L.: De quelle réalisation ou contribution êtes-vous la plus fière?

N.O. : Tout le travail que je fais à travers le télescope James Webb afin de rendre accessible et agréable l’astrophysique pour la population canadienne est ce qui a marqué ma carrière au cours des cinq dernières années. Il y a plusieurs autres projets que j’aime beaucoup, mais le télescope me permet de travailler à l’international et en collaboration avec des partenaires de la NASA, de l’Agence spatiale européenne et des instituts de recherche universitaires.

Au Canada, on a tendance à penser que pour faire quelque chose dans l’espace, on doit aller aux États-Unis et travailler pour la NASA, mais cette mission est l’exemple même que le Canada participe à l’exploration spatiale. En réalité, on apporte une très belle contribution et on est respecté à l’échelle mondiale. Je veux que les Canadiens se sentent fiers et que les jeunes Canadiens qui s’intéressent au secteur sachent que c’est possible d’y faire carrière.

Q.L. : Quels sont vos conseils pour les jeunes femmes qui souhaitent poursuivre une carrière dans ce domaine ?

N.O. : Je crois que j’ai été chanceuse. Je n’ai pas fait face aux préjugés disant que les femmes sont moins bonnes en sciences ou en mathématiques. Mes deux parents étaient ingénieurs. À la maison, j’avais donc un bon exemple d’une femme qui était ingénieure, avait une belle carrière et était très respectée dans son domaine. Pour les femmes qui font face à ces préjugés, il faut d’abord en parler lorsqu’on a le sentiment d’y faire face. C’est prouvé que ça aide énormément. Se bâtir une communauté et un sentiment d’appartenance avec des femmes ou des personnes de tous genres n’est pas forcément facile dans des domaines comme l’astronomie, l’aérospatiale et la physique. Nous faisons face à des problèmes complexes qui nécessitent beaucoup d’innovation, de créativité, et parfois même de pensée abstraite. Nous posons souvent des questions qui n’ont jamais été posées auparavant. Nous devons donc miser sur un travail d’équipe et de collaboration. 

Q.L. : Quels sont les défis auxquels les femmes sont confrontées dans les domaines scientifiques, en particulier en astrophysique, et comment pensez-vous qu’ils puissent être surmontés?

N.O. : Lorsque des garçons rencontrent des difficultés, ils sont plus encouragés à persévérer que les filles. Quand une fille a des difficultés, on lui dit : « Ah! C’est normal, tu es une fille, tu n’es juste pas biologiquement formée pour comprendre les mathématiques. Essaye de te tourner vers les arts, le français ou la littérature. Quelque chose de plus féminin. » Il vaut mieux ne pas écouter cela et continuer à persévérer.

Selon les défis que j’ai eu à surmonter, je dirais que la femme est confrontée à une certaine image. Une femme peut prendre le même espace qu’un homme dans certaines conversations ou dans un espace public, et on perçoit quand même qu’elle prend trop de place. On pensera qu’elle parle trop fort, pose trop de questions et prend trop de temps de parole. C’est quelque chose avec lequel j’ai eu plus de difficulté. Malheureusement, il faut jouer le jeu et j’ai dû apprendre, avec beaucoup de diplomatie, à prendre ma place. Bien que ce soit vrai que j’ai beaucoup appris sur la diplomatie à travers ma carrière, je n’ai pas l’impression d’avoir dû reculer sur mes positions.

C’est désolant et injuste qu’une femme puisse dire la même chose sur le même ton qu’un homme et que les deux idées ne soient pas nécessairement reçues de la même manière, simplement à cause du genre de l’interlocuteur. Il faut s’entourer de personnes avec qui tu as des atomes crochus. Mon équipe aime que je prenne de la place et que je défende mes opinions.

Q.L. : Récemment, le célèbre astrophysicien québécois Hubert Reeves est mort. Il était connu du grand public en tant que vulgarisateur scientifique. Était-il un modèle pour vous?

N.O. : Je pense que Hubert Reeves est un modèle pour tous les astrophysiciens au Québec, et certainement pour ceux qui font beaucoup de vulgarisation scientifique. C’est tellement un visage connu ! En plus d’être un excellent vulgarisateur, l’une des choses que j’ai le plus appréciées chez Hubert Reeves est que malgré le fait d’avoir la tête dans les étoiles, il avait toujours un œil tourné vers la Terre et vers sa fragilité. C’était un grand environnementaliste. Il était très attaché aux causes environnementales et à la protection de la Terre. C’est le cas de la plupart des astronomes. On regarde ces autres mondes en sachant que l’on ne pourra pas s’y rendre et qu’il n’y a pas énormément d’autres planètes habitables. On doit donc prendre soin de notre planète.

Q.L. : Le télescope James-Webb remplit-il ses promesses et, par conséquent, répond-il à vos espoirs d’en savoir plus sur l’univers ?

N.O. : Oui, le télescope fonctionne encore mieux que nos attentes et révèle des découvertes et des résultats fantastiques. En science, toutefois, lorsqu’on se pose une question, on cherche une réponse. Ce qu’on trouve souvent, ce sont plus de questions et pas nécessairement les réponses qu’on cherchait. Surtout dans le domaine des galaxies. On a de grands questionnements sur le fonctionnement des galaxies qu’on a pu découvrir avec le télescope, qui sont très lointaines et très anciennes. Certaines sont les premières à s’être formées après le big bang. On a même certaines données prometteuses dans la recherche de la vie extraterrestre. Le télescope permet de détecter ce genre de biosignature, qui pourrait être un indicateur de vie. On se doute que la vie extraterrestre n’est pas une vie intelligente ou avancée. Mais le télescope a possiblement détecté une molécule qui s’appelle le DMS (le diméthyle de sulfate), et sur la Terre, cette molécule est seulement créée par de la vie. Ça ne veut pas dire que c’est nécessairement créé par de la vie sur une planète lointaine, mais on n’a pas d’autres explications pour l’instant. On espère en savoir plus dans le futur. Ce télescope est donc clairement un outil révolutionnaire. 

Partager cet article