Société

L’état du Québec 2025 : laisser place aux émotions

En vente en librairie à partir du 12 novembre prochain, l’ouvrage L’état du Québec 2025. Sommes-nous une société émotive ? propose une lecture analytique des différents enjeux qui ont animé le débat public au cours de la dernière année. Quartier Libre s’est entretenu avec trois membres du corps professoral de l’UdeM qui y ont contribué.

« Cette année, on a senti pas mal de colère, de la peur, de la culpabilité, de la nostalgie et, en même temps, beaucoup de fierté, d’empathie et d’espoir, partage le chargé de projet et codirecteur de l’ouvrage à l’Institut du Nouveau Monde (INM), Josselyn Guillarmou. Tout cela crée une forme de tension politique. Ça projette la société québécoise au-delà d’une société très consensuelle, bienveillante, peut-être même un peu en retrait. Il y avait donc quelque chose à creuser avec l’émotion individuelle et collective, et on a proposé d’allonger le Québec sur le divan. »

Comme chaque année, l’INM prend le pouls de la société québécoise dans L’état du Québec. Dans l’édition 2025, il la considère cette fois-ci à travers le prisme de l’affect et des émotions. « On trouvait que c’était intéressant parce qu’on a vécu, ces derniers mois, des émotions fortes en tant que société, souligne M. Guillarmou. Des deuils collectifs, comme la mort d’artistes, qui ont mis des mots sur des réalités québécoises marquantes, des grèves, la question du Troisième lien, le fait que des centaines d’élus ont quitté leurs postes… »

L’ouvrage se base sur un sondage de la firme CROP et l’expérience d’une quarantaine de spécialistes, comme des professeur·e·s, des membres de la société civile, des journalistes ou encore des élu·e·s. Tables rondes, entrevues individuelles, écritures de textes, il rassemble au total une vingtaine d’écrits qui offrent des réflexions inédites sur les sujets à grands enjeux de ces derniers mois.

Politique internationale et droit des femmes

L’épidémiologiste et chargée d’enseignement de clinique à l’École de santé publique de l’UdeM Nimâ Machouf et la professeure adjointe de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence Geneviève Bois ont toutes deux participé à une table ronde avec la députée du Bloc Québécois Christine Normandin pour discuter, notamment, de politique internationale et du droit des femmes. Les propos de cette table ronde figure parmi les écrits de l’ouvrage.

Animée par la directrice de l’Observatoire de géopolitique de la Chaire Raoul-Dandurand, Élisabeth Vallet, la discussion a notamment porté sur la situation au Moyen-Orient. « Cela a non seulement des conséquences en Palestine, mais aussi dans notre société, explique Mme Machouf. La colère et le sentiment d’injustice augmentent. Ça rend la société explosive. Personne ne peut être indifférent à cela. »

Les participantes ont également abordé la question des droits reproductifs, que les élections présidentielles américaines remettent en jeu. « Au Canada, on craint de perdre cette avancée : celle de la femme dans la modernité, ajoute l’épidémiologiste. On craint que ce droit soit remis en question avec l’avancée de l’extrême droite et du parti conservateur au Canada. »

« On a souvent l’impression que, dans le droit reproductif, ce qu’il se passe ailleurs ne nous influence pas, ou influence de façon purement théorique, constate Mme Bois. On ne peut pas mettre une barrière entre la politique locale et internationale. Même si nous avons une base de jurisprudence très solide au Canada, nous pourrions avoir des reculs sur l’avortement. »

Aller à la rencontre des traumatismes

Dans un autre texte, la professeure titulaire au Département de psychopédagogie et d’andragogie Garine Papazian-Zohrabian explore la question des traumatismes et la façon dont ces derniers peuvent nourrir des dynamiques sociales et politiques au sein de la société québécoise.

« Quand je suis arrivée au Québec il y a 14 ans, la devise “Je me souviens” m’avait marquée, mais de quoi se souvient-on exactement ? » se demande Mme Papazian-Zohrabian.

Selon elle, la théorie psychanalytique des traumatismes se manifeste beaucoup dans la langue québécoise. « Ces traumatismes du peuple québécois se heurtent parfois à ceux des peuples autochtones ou des populations immigrantes, précise-t-elle. Parce que les traumatismes nourrissent notre rapport au monde, ils peuvent freiner la rencontre interculturelle ou défavoriser le vivre-ensemble. »

Plus d’informations concernant l’INM et « L’état du Québec 2025. Sommes-nous une société émotive ? »

L’Institut du Nouveau Monde (INM) est un organisme indépendant qui a pour mission d’accroitre la participation des citoyen·enne·s à la vie démocratique.

L’ouvrage « L’état du Québec 2025. Sommes-nous une société émotive ? » publié par l’INM en collaboration avec Somme Toute, la maison d’édition du journal Le Devoir, paraitra le 12 novembre prochain en libraire.

Visuels fournis par l’Institut du Nouveau Monde

Partager cet article