Les soins infirmiers à 360 degrés

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Par Roman Massion
lundi 16 décembre 2019
Les soins infirmiers à 360 degrés
Photo : Faculté des sciences infirmières de l'UdeM.
Photo : Faculté des sciences infirmières de l'UdeM.
La Faculté des sciences infirmières de l’UdeM utilise la réalité virtuelle pour améliorer l’apprentissage depuis l’automne 2018. Cette technologie plonge les étudiants dans des situations d’intervention fictives, conçues pour se rapprocher de la réalité du terrain. D’après plusieurs professeurs, cette immersion apporte un meilleur raisonnement clinique, diminue le stress et augmente la performance de l’élève.
« Cette technologie permet de plonger les étudiants dans des situations d’intervention semblables à la réalité. »
Haj Mohammed Abbad, directeur du Centre de simulation de la Faculté des sciences infirmières de l’UdeM

D’après le directeur du Centre de simulation de la Faculté des sciences infirmières de l’UdeM, Haj Mohammed Abbad, celle-ci est la première au Canada à avoir intégré la réalité virtuelle à « 360 degrés » dans son programme d’études. « Cette technologie permet de plonger les étudiants dans des situations d’intervention semblables à la réalité, explique-t-il. Les apprenants interagissent avec des avatars, qui, comme des patients réels, répondent aux questions et aux gestes du soignant. »

À ce jour, plus de 1 200 étudiants ont bénéficié de la technologie, à raison d’une à deux fois sur l’ensemble du baccalauréat.

Immersion totale

« Concrètement, les étudiants sont rassemblés par groupes de six dans une pièce fermée avec un professeur, puis tour à tour, ils enfilent les lunettes de réalité virtuelle ainsi que des manettes interactives », détaille la conseillère en formation au Centre de simulation, Isabelle Bouchard. « L’étudiant, muni de lunettes, est alors immergé dans l’environnement virtuel tandis que les autres suivent l’évolution de la simulation en direct sur un écran », poursuit-elle. Le professeur joue le rôle du patient et pose des questions à l’étudiant.

Les simulations sont divisées en différents segments pour permettre une discussion entre les étudiants et le professeur. « Ces debriefings sont très importants, ils permettent de souligner ce qui a bien été fait par l’étudiant et de corriger les erreurs, note M. Abbad. Et ce, toujours dans une perspective d’amélioration. »

Deux scénarios virtuels

Pour le moment, deux scénarios virtuels sont offerts, présentant deux environnements fondamentalement différents, selon Mme Bouchard. Le premier met en scène la visite à domicile d’une personne qui se remet d’un syndrome coronarien [NDLR : obstruction d’une ou de plusieurs artères coronaires]. « Il comprend une examination physique et psychosociale du patient, et l’administration d’un soin de plaie », détaille la conseillère.

Le second scénario, lancé en septembre dernier, plonge l’étudiant en milieu hospitalier et comprend l’examen physique d’un bébé de six mois souffrant d’une maladie chronique. La prise en charge de la mère de l’enfant, submergée par l’émotion, fait aussi partie de l’exercice.

Selon Mme Bouchard, un troisième scénario est en développement et sera offert à l’automne prochain. Il sera réservé aux étudiants à la maîtrise.

De nombreux avantages éducatifs

6Pour M. Abbad, les avantages éducatifs de la réalité virtuelle sont nombreux. « Les étudiants sont impliqués cognitivement à 100 %, affirme-t-il. Cela contribue à un meilleur raisonnement clinique. » D’après lui, le fait de vivre une situation quasi réelle permet une meilleure intégration des pratiques. « Le haut réalisme des simulations permet à l’étudiant de se familiariser avec l’environnement, ajoute M. Abbad. Cela diminue son stress une fois envoyé en stage, et donc augmente ses performances. » Selon le directeur du Centre de simulation, l’expérience de la réalité virtuelle augmente le niveau de confiance de l’étudiant.

Mme Bouchard souligne que les simulations se veulent également des activités d’intégration, c’est-à-dire qui mobilisent les compétences accumulées depuis le début du baccalauréat. « C’est une excellente occasion pour les étudiants d’évaluer où ils en sont dans leur apprentissage et d’apprécier le chemin parcouru », affirme-t-elle. Selon la conseillère en formation, la réalité virtuelle permet à tous les étudiants de vivre une expérience d’immersion en milieu professionnel. « Avec 1 800 étudiants inscrits au baccalauréat à la Faculté des sciences infirmières et un nombre d’opportunités de stage limité, il n’est malheureusement pas possible d’obtenir un stage pour tous les étudiants », déplore-t-elle. L’expérience de réalité virtuelle permet donc de pallier ce manque. Néanmoins, selon elle, la réalité virtuelle ne remplace pas une véritable expérience de stage.

Des étudiants « confus »

Du côté des étudiants, c’est un autre son de cloche. L’étudiante en troisième année de baccalauréat en sciences infirmières Mallory Roy se souvient que la majorité des étudiants de sa cohorte ont vécu une expérience mitigée en testant le premier scénario il y a un an. « La plupart de mes camarades sont sortis indifférents ou confus de la simulation, peu étaient réellement enthousiastes, se rappelle-t-elle. Nous n’avons pas immédiatement compris la pertinence de l’expérience. » L’étudiante explique que le temps imparti était trop court pour réellement en profiter. Selon Mallory, la simulation a peut-être été modifiée depuis, puisque sa cohorte était la seconde à tester la technologie.

Néanmoins, elle reconnaît aujourd’hui la plus-value de l’expérience. « Ça m’a aidé à me faire une idée du milieu de travail, d’autant plus que j’ai fait un stage en clinique de dépistage, c’est-à-dire en laboratoire, rapporte l’étudiante. Cela m’a aussi permis de mettre en application les techniques de soin apprises en classe, ce qui est précieux. »

Pour l’intégration de la réalité virtuelle dans son enseignement, la Faculté des sciences infirmières s’est vue décerner deux distinctions en 2019, l’agrément du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et le prix d’Excellence catégorie « innovation » du Vice-Rectorat aux études et relations avec les étudiants. Pour M. Abbad, ces récompenses démontrent la « rigueur » et la « qualité » du programme de simulation et vont contribuer à la réputation de la Faculté.