« Mon rôle sera dans un premier temps d’être attentive aux signes que pourraient afficher les étudiants en difficulté », explique la technicienne en administration au Département de communication, Ghénima Boudjema. Cette dernière souligne l’importance d’instaurer un dialogue et un climat de confiance propice à l’échange, et dans lequel les étudiants se sentiront écoutés et libres de s’exprimer. « Tout cela sans aucun jugement et avec une considération totale », ajoute Mme Boudjema.
La conseillère en gestion des études des programmes de DESS et de maîtrise en développement du médicament, Carla Portela Andrade, soulève le fait que le rôle des sentinelles comprend également le partage d’informations avec les étudiants qui en font la demande. « Nous sommes là aussi pour encourager et soutenir la personne à faire les démarches pour chercher de l’aide, pour orienter les étudiants et s’assurer que ce processus se passe dans la confidentialité absolue », souligne-t-elle, avant de conclure que leur rôle est avant tout de contrer la détresse des étudiants et de prévenir le suicide.
La chargée de projets en santé mentale au Centre de santé et de consultation psychologique, Florence Déplanche explique que le programme découle directement de recommandations émises à la fois dans l’enquête sur la santé psychologique étudiante de la FAÉCUM en 2016 et le rapport du groupe de travail sur les enjeux de santé mentale chez les étudiants de l’Université de Montréal en 2017. « Ces rapports indiquent l’importance de mettre sur pied des initiatives visant à prévenir le suicide sur le campus », développe-t-elle.
Selon Mme Déplanche, en développant ce programme, l’Université souhaite favoriser l’accès rapide des étudiants à une présence attentive, ouverte et empathique, à divers endroits sur le campus et sans rendez-vous. « Les sentinelles sont repérables par le phare apposé sur la porte de leur bureau ou sur leur poste de travail », détaille la chargée de projets en santé mentale.
Répondre à un besoin
« J’aperçois tous les jours un sentiment d’anxiété et un manque de motivation pour les études et la vie, qui touchent cette génération, se désole Mme Andrade. Au fil des années, j’ai vu toutes sortes de cas d’étudiants en situation de détresse. » Parmi les raisons, cette dernière évoque notamment une situation financière précaire, ou encore une difficulté à prioriser les études ou à concilier le travail avec les études. « Certains étudiants ont de la difficulté à trouver tous seuls une porte de sortie, constate-t-elle. Ils ont besoin d’une main pour les aider à surmonter les difficultés et pour vaincre la détresse. »
Pour le professeur adjoint à la Faculté des sciences infirmières Arnaud Duhoux, devenir une sentinelle représente une occasion de savoir quoi faire face à des étudiants en situation de détresse psychologique. « Je constate beaucoup de détresse chez mes étudiants », dévoile-t-il. Il explique s’être senti démuni dans le contexte universitaire, malgré sa formation en soins infirmiers et son expérience en santé mentale. « À part avoir une boîte de mouchoirs dans mon bureau et tenter d’être à l’écoute, je ne savais pas trop quoi faire », se rappelle-t-il.
L’inscription
Les trois sentinelles interrogées pour cet article ont toutes entendu parler de l’initiative de l’Université par courriel. « Je dirais que je suis par nature une personne sensible au bien-être des gens en général, raconte Mme Boudjema. Lorsque j’ai reçu ce courriel, cela a résonné en moi. »
Dans le cas de Mme Andrade, c’est la vice-doyenne aux études de premier cycle de la Faculté de pharmacie, Ema Ferreira, qui a suggéré aux conseillères en gestion des études de suivre le programme. « Nous sommes là pour donner des informations au sujet de nos programmes, explique Mme Andrade, qui considère le programme Sentinelles comme complémentaire à ses missions en qualité de conseillère en gestion des études. Mais nous sommes aussi là pour aider les étudiants à surmonter les situations difficiles, qui empêchent la réussite aux études. »
La formation
Pour compléter le programme, les futures sentinelles ont dû suivre une formation en deux parties. « La première partie m’a permis de mieux comprendre les services vers lesquels je peux référer les étudiants en détresse, développe M. Duhoux. La seconde m’a permis de me sentir mieux outillé pour agir. »
Mme Boudjema explique que lors de cette première partie, les intervenants ont soulevé les différentes raisons qui peuvent pousser les étudiants au suicide, mais ont aussi fait participer activement les futures sentinelles. « Nous avons eu l’occasion de faire des jeux de rôle pour nous mettre en situation, dans le cas où un étudiant montrerait des signes de difficultés dans l’enceinte de l’Université », raconte-t-elle.
Pour Mme Boudjema, la formation devrait être obligatoire pour tous les membres du personnel en contact avec les étudiants. « Cela sensibiliserait chacun d’eux aux problématiques liées à la santé mentale des étudiants et permettrait ainsi de les rediriger vers les professionnels compétents si besoin », explique-t-elle. Elle conclut que cette formation amènerait à être plus proactifs dans les situations délicates.