« J’ai des amis qui insistent beaucoup trop, rapporte Mathieu Langlois. Ils sont saouls, essaient de toucher des filles, de se frotter à elles et ils se font repousser dès le début », déclare l’étudiant en génie à Polytechnique, Mathieu Langlois,en marge d’une soirée conjointe entre Polytechnique et les programmes de médecine et de médecine dentaire de l’UdeM. De nombreuses tentatives de séduction manquées, qui peuvent paraître drôles dans l’immédiat, mais qui ne sont finalement pas si éloignées du harcèlement.
Le harcèlement sexuel recouvre un large spectre d’attitudes et il est important de savoir où il débute. « Le harcèlement sexuel se définit comme un comportement à caractère sexuel non désiré, explique le psychologue et professeur à l’UdeM, Yves Guillot. Il comporte trois degrés, le degré contrariant, des remarques déplacées par exemple. Puis on bascule selon moi dans la criminalité avec les deux degrés suivants qui sont le contraignant, comme des caresses ou des soulèvements de vêtements et l’agressant, qui inclut tentative de viol et voyeurisme. »
Le Code criminel ne définit pas le harcèlement sexuel, mais le harcèlement criminel. Le harcèlement sexuel au travail est régi par la Loi sur les normes du travail du Québec, cependant cette dernière ne concerne que les cas de harcèlement sexuel au travail.
«Sauf autorisation légitime, quiconque agit à l’égard d’une personne sachant qu’elle se sent harcelée, ou sans se soucier de ce qu’elle se sente harcelée, si l’acte en question a pour effet de lui faire raisonnablement craindre, compte tenu du contexte, pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances.» – Article 264 paragraphe 1 du code pénale canadien
Difficile d’évaluer si les partys universitaires sont des lieux propices au harcèlement. « Comme la plupart des agressions sexuelles ne font pas l’objet de signalement ou de plainte, seulement un petit pourcentage de cas nous est communiqué, souligne la directrice du Bureau en intervention en matière de harcèlement de l’UdeM (BIMH), Pascale Poudrette. Les partys représentent des activités à plus grand risque, car la consommation augmente les probabilités que se produisent des comportements inappropriés ou agressants. »
La ligne se franchit plus facilement que la croyance populaire ne le laisse croire. « Une fille dans un party qui dit qu’elle a mal au cou, si tu la masses et qu’elle n’est pas consentante alors tu franchis déjà la limite », indique Yves Guillot.
Les femmes aussi sont susceptibles d’adopter de tels comportements. « Je ne pense pas que les gars soient lourds dans ce genre de party, les filles ne sont pas provocatrices non plus, c’est un jeu qui se joue à deux, même s’il est sûr qu’il y a parfois des débordements », témoigne Mathieu Langlois.
La provocation reste néanmoins une attitude dont le jugement est subjectif et tous n’ont pas le même avis sur la question.« Les filles sont souvent provocatrices, comme les garçons, tempère Delphine. Les filles qui ont besoin d’attention mettent donc toutes les chances de leur côté. »
Ce serait toutefois elles qui seraient les plus touchées par le harcèlement. « C’est en majorité des femmes qui déposent des plaintes », rappelle Mme Poudrette
Parier sur la prévention
Le harcèlement est une réalité qui est perçue et prise en compte par la Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAÉCUM). « Nous sommes très sensibilisés par ce point, informe le coordonnateur à la vie de campus de la FAÉCUM, Kevin L’Espérance. Je travaille actuellement sur une campagne contre le harcèlement sexuel qu’on va lancer prochainement. »
Afin d’empêcher au maximum le harcèlement dans les partys, des mesures concrètes sont désormais appliquées. « On diminue l’incitation à la surconsommation en augmentant le prix de l’alcool, décrit Kevin. On utilise des bouteilles avec un goulot plus étroit pour éviter la contamination par des drogues solubles et les verres à alcool fort sont fermés avec un capuchon et une paille. »
Outre ces moyens techniques, des moyens humains sont sollicités. « Une équipe de prévention est sur place pour s’assurer que les personnes sont à l’aise dans leur environnement et pour repérer des comportements suspects, souligne Kevin. En fin de soirée, on s’assure que les gens repartent avec des personnes avec lesquelles ils sont à l’aise. » Depuis l’an dernier, aucun cas de harcèlement n’a été rapporté dans les événements organisés par la Fédération.
Bien que la responsabilité de l’organisateur soit évidente, il n’est pas le seul à pouvoir faire en sorte que tout se déroule de la meilleure manière possible. « Il y a également la responsabilité individuelle qui rentre en ligne de compte, précise le coordonnateur. Je crois que c’est aussi la responsabilité de l’ensemble de la société. Quelqu’un qui voit un comportement harcelant devrait le dénoncer et y mettre fin. »
Au printemps 2013, une dizaine de plaintes avaient été déposées au Bureau d’intervention en matière de harcèlement de l’UdeM, notamment pour des cas relatifs à la drogue du viol.