L’ancien porte-parole de la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), Gabriel Nadeau-Dubois, a livré son analyse du traitement médiatique du « printemps érable » avec les journalistes québécois réunis en congrès le 17 novembre dernier.
C’est devant une salle pleine d’un hôtel de Saint-Sauveur, où étaient rassemblées près de 600 personnes venues participer au congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), que M. Nadeau-Dubois a partagé ses observations sur la manière dont les médias ont traité du conflit étudiant.
Pointant la difficulté d’avoir du recul sur un conflit qui ne s’est terminé que depuis peu de temps, M. Nadeau-Dubois s’est exprimé sur la méfiance éprouvée par les étudiants impliqués dans le mouvement par rapport aux journalistes. Il a expliqué qu’il y avait un fossé entre l’expérience vécue par ces étudiants et la manière dont les médias l’ont représentée. « Il y a une richesse politique, une profondeur politique, que nous n’avons pas vu dans les médias » a-t-il déploré, reconnaissant que le fait que les assemblées générales étaient fermées aux journalistes n’a pas facilité leur travail.
Il explique ce décalage par la difficulté des médias à rendre compte du fonctionnement démocratique de la CLASSE ou encore du concept de « black block », à tort décrit comme une organisation par les médias, alors qu’il s’agit plutôt d’une stratégie. « Il y a eu une incompréhension profonde, conceptuelle, de ce qu’est un « black block « , une incompréhension légitime car les modes d’organisation adoptés lors du « printemps érable » étaient radicalement nouveaux » a-t-il déclaré.
Il a également mis la difficulté du mouvement étudiant d’être compris par les médias sur le compte de l’adoption de ces derniers d’une grille macropolitique du conflit alors qu’il aurait fallu, selon lui, employer une grille de lecture plus fine, plus proche du réel. Le gouvernement utilisant cette même grille macropolitique, M. Nadeau-Dubois a parlé de « solidarité structurelle» entre le gouvernement et les médias lors du « printemps érable ».
Les manifestions plutôt que les enjeux de fond
L’ancien leader étudiant a également regretté que le traitement médiatique du conflit étudiant ait été évènementiel plus que thématique, c’est-à-dire qu’il ait accordé plus de place à la couverture des manifestations qu’à l’analyse des enjeux du conflit ou des arguments des différentes parties. Une situation dont les associations étudiantes sont en partie responsables. « La stratégie des libéraux était de mettre l’accent sur les évènements, a-t-il exposé. Le mouvement étudiant est tombé dans ce piège, tout le monde est tombé dans ce piège ». Il a également mis en lumière le fait que les réseaux sociaux et les chaînes d’information instantanée comme LCN ou RDI favorisaient une couverture évènementielle. « Il n’est pas possible de faire une couverture médiatique en 140 caractères » a-t-il souligné.
Pour M. Nadeau-Dubois, le conflit étudiant a également été une guerre des mots, ces derniers sont devenus une « arme politique » selon lui. Employer le terme de boycott dans les médias a signifié faire le jeu des libéraux qui ont utilisé le débat terminologique entre les mots « grève » et « boycott » pour mettre en cause la légitimité du mouvement étudiant. Autre exemple pour lui, le fait que les libéraux se soient mis à dire CLASSÉ et non CLASSE, CLASSÉ ayant une connotation négative. « Nous avons demandé à un journaliste qui disait CLASSÉ pourquoi il le faisait, et il a répondu que c’était une directive de sa direction » a-t-il rapporté.
Il a terminé son analyse en abordant la question de la désobéissance civile qui a fait, selon lui, l’objet de résistances de la part des journalistes. « J’ai senti qu’on pouvait questionner beaucoup de choses mais quand le questionnement portait sur le libéralisme et la désobéissance civile, j’ai senti beaucoup de fermeture chez les journalistes » a-t-il affirmé. Un constat qu’il explique par une possible assimilation entre libéralisme et liberté de presse par les journalistes.