Les Marches critiques du Village

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Par Edouard Ampuy
mercredi 12 juin 2019
Les Marches critiques du Village
Le Village fut d'abord un quartier pauvre avant d'être progressivement occupé par la communauté gaie et lesbienne à partir des années 1970. (Crédit photo : flickr.com I KC Claveria)
Le Village fut d'abord un quartier pauvre avant d'être progressivement occupé par la communauté gaie et lesbienne à partir des années 1970. (Crédit photo : flickr.com I KC Claveria)
Pour mettre en lumière les aspects moins colorés du quartier gay, comme ses problématiques sociales, la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+ organise les Marches critiques du Village. Organisées sur demande, ces visites questionnent la présence et la place des jeunes LGBTQ+ dans le Village.
« Beaucoup de groupes communautaires sont forcés de quitter le Village, parce que les locaux sont trop chers ou mal adaptés, donc les populations qu’on cherche à rejoindre sont de plus en plus éloignées »
Annie Savage, directrice de la Coalition des groupes jeunesse LGBTQ+

Pour la directrice de la coalition, Annie Savage, l’idée principale de ces marches est de susciter auprès de la population une réflexion critique sur Village. « Souvent, le discours dominant est centré sur l’aspect consommation du Village, avec ses bars, ses festivités, ses expos, explique-t-elle. Donc, on tait toutes les problématiques sociales que peut engendrer une certaine gentrification. » Elle rappelle que les mesures qui sont entreprises pour attirer davantage de touristes et valoriser les commerces peuvent aussi entraîner un nettoyage social.

La directrice tient néanmoins à énoncer clairement que l’idée n’est pas de condamner le Village, qu’elle considère comme un pôle incontournable et un lieu important pour les jeunes qui font leur coming-out.

La vulnérabilité des jeunes

Mme Savage dépeint le quartier gay comme un lieu qui connaît des difficultés et qui doit surmonter des défis. Elle précise qu’avec ces marches critiques, la coalition souhaite amener les gens à comprendre la vulnérabilité des jeunes LGBTQ+, qui vivent dans une réalité marquée par le tourisme sexuel et la consommation de drogue. « C’est clair que le Village répond au besoin des hommes blancs gays, la plupart du temps plus fortunés, et il ne faut pas oublier que ces derniers consomment du sexe, de la drogue, précise-t-elle. Et qui vient répondre à ces besoins ? Ce sont des jeunes marginalisés. »

Ces marches sont également un moyen de mettre en avant l’enjeu essentiel des espaces communautaires pour les associations LGBTQ+, selon la directrice. « Beaucoup de groupes communautaires sont forcés de quitter le Village, parce que les locaux sont trop chers ou mal adaptés, donc les populations qu’on cherche à rejoindre sont de plus en plus éloignées », raconte-t-elle.

Elle dénonce le fait que les groupes LGBTQ+ sont également sous-financés et ont de plus en plus de mal à répondre à leur mission. « Nous, on essaye d’avoir une réflexion là-dessus, et à partir de là, de développer des projets qui sont plus cohérents et qui ne laissent tomber personne dans l’angle mort », résume Mme Savage.

Raconter l’histoire du village

La première marche s’est faite en 2005, selon la directrice. « Ce qui a motivé la création des premières marches, c’est la question de la place des jeunes dans le Village, parce qu’à l’époque, il n’y avait aucun lieu de socialisation destiné aux jeunes LGBTQ+ », développe-t-elle.

Avec les années, les marches sont devenues un outil de sensibilisation aux besoins de la communauté LGBTQ+ et un moyen d’aborder l’histoire du Village. « On explique pourquoi le Village est devenu ce qu’il est aujourd’hui […] on parle des moments forts de mobilisation pour les communautés, les bars et l’histoire de leur création, les commerces importants », raconte la directrice.

Si les marches ont à la base été créées par les jeunes et pour les jeunes, elles sont maintenant ouvertes sur demande au public. La coalition ne facture pas, mais invite à une participation volontaire. « On anime entre 10 et 20 marches par année », souligne Mme Savage. Elle a déjà eu des demandes d’étudiants en urbanisme ou en sociologie, de groupes de citoyens ou d’intervenants auprès de la jeunesse LGBTQ+. La coalition fait l’effort d’adapter le contenu et l’animation des marches en fonction des besoins du public, indique la directrice.