Alors que la hausse des taxes ne devait pas dépasser une inflation de 2,1 %*, elle sera, en fin de compte, de l’ordre de 3,3 % selon le budget adopté par la Ville de Montréal. La nouvelle administration a décidé d’augmenter la taxe sur l’eau de 1,1 % ainsi que la taxe d’arrondissement de 0,3 %. Quant à sa promesse de ne pas augmenter les taxes au-delà de l’inflation, la mairesse affirme qu’elle faisait uniquement référence à la taxe foncière, dont la hausse est établie à 1,9 %, afin de respecter son engagement.
Pour les quartiers avoisinants l’UdeM, c’est-à-dire Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG) et Outremont, il s’agit respectivement d’une augmentation de 4,2 % et de 4,5 %. C’est aussi dans ces quartiers que la hausse sera la plus élevée pour les immeubles de six logements et plus. Elle est estimée à 8,2 % pour Outremont et à 7 % pour CDN-NDG.
Cette augmentation pourrait avoir des répercussions pour les étudiants qui habitent dans ces quartiers, affirme l’avocat Manuel Johnson, qui travaille sur des dossiers liés au droit du logement. « Les taxes font partie des dépenses que les propriétaires peuvent refiler aux locataires, indique-t-il. Contrairement à la croyance populaire, il n’existe pas de limites quant à l’augmentation qui peut être demandée par le propriétaire. »
Le propriétaire d’immeubles dans Côte-des-Neiges Dinh Vo loue plusieurs de ses logements à des étudiants. Il croit qu’il est normal que ses loyers augmentent quand il y a une hausse de taxes. « Je suis simplement les règles fixées par la Régie du logement », indique-t-il. Il faut, par exemple, calculer l’augmentation de loyer pour l’année en cours selon le Règlement sur les critères de fixation de loyer ou bien envoyer un avis d’augmentation ou de modification de loyer avant le 31 mars de l’année en cours.
Une réalité ignorée
Quatre étudiants de l’UdeM, locataires des quartiers avoisinants, ont été interrogés sur la question d’une augmentation possible de leur loyer. Aucun d’entre eux ne savait que leur propriétaire pouvait leur faire payer une partie des taxes municipales. L’étudiante en année préparatoire à HEC Montréal Ombeline Degrise s’est montrée surprise de l’apprendre. « Je trouve mon appartement un peu cher et si le loyer augmentait, je déménagerais », confie-t-elle.
L’étudiante au baccalauréat en neuroscience cognitive Laurence Grenier considère que son appartement a un loyer raisonnable. Elle serait même prête à accepter une certaine hausse. « 20 $ de plus par mois, ça ne m’inciterait pas à quitter mon appartement, estime-t-elle. Mais si la hausse atteignait plus que 50 $, j’y penserais. »
La mairesse d’arrondissement de Côte-des-Neiges, Sue Montgomery, s’en tient de son côté aux règles de la Régie du logement qui fixent l’augmentation maximale du loyer. « Bien sûr, certains [propriétaires] vont essayer d’imposer une augmentation plus grande en disant que c’est à cause de la hausse de taxes, prévient-elle. C’est important pour les locataires de rester vigilants et de contester la hausse si elle est abusive. »
Des recours peu connus
L’article 1945 du Code civil du Québec permet aux locataires de contester une augmentation qu’ils jugent déraisonnable, explique M. Johnson. Il souligne toutefois que peu de gens choisissent cette option. « C’est très rare que les locataires aient le courage de refuser une augmentation, assure-t-il. Certains craignent que cela les mettent en froid avec leur propriétaire. »
Selon le porte-parole du Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Maxime Roy-Allard, seulement 0,5 % des montants des loyers sont fixés par la Régie. « Dans la vaste majorité des cas, soit le loyer est négocié entre les deux parties, soit il est tout simplement accepté tel quel », ajoute-t-il.
Le fait que peu de locataires décident de refuser une augmentation fait en sorte que plusieurs propriétaires augmentent de manière arbitraire le prix de leurs logements, soutient M. Roy-Allard. « Ce qu’on remarque avec les différents comités logements, c’est que les hausses demandées sont souvent de trois à quatre fois plus élevées que ce qui est recommandé par la Régie », révèle-t-il.
Un couteau à double tranchant
Les locataires doivent toutefois être au courant des risques qu’engendre une procédure visant à contester une augmentation de loyer, puisqu’elle pourrait se retourner contre eux, souligne M. Roy-Allard. La Régie peut donner raison au locataire et exiger que le propriétaire revoie à la baisse la hausse de loyer demandée. Toutefois, l’inverse est aussi possible, soutient-il. « La Régie peut fixer un prix plus élevé que ce que le propriétaire avait demandé, nuance-t-il. Il y a donc un danger pour un locataire de refuser une hausse de loyer. »
M. Roy-Allard croit qu’il faudrait revoir la manière dont sont fixés les loyers. « En ce moment, au Québec, il n’y a pas de contrôle ; c’est l’anarchie, dénonce-t-il. Si un propriétaire veut augmenter de 10 % son loyer, la responsabilité de contester cette hausse retombe sur le locataire. » Selon lui, il faudrait qu’un pourcentage maximal d’augmentation soit fixé par la Régie comme c’est actuellement le cas en Ontario.