À 13 h 30 ce 25 octobre 2023, au quatrième étage du pavillon Jean-Brillant de l’UdeM, les couloirs sont vides et silencieux. De nombreux·euses étudiant·e·s sont en période d’examens. Malgré tout, une porte s’ouvre et quelques étudiant·e·s sortent de leurs salles de cours pour rejoindre la manifestation qui se tient sur le parvis du pavillon, bien décidé·e·s à participer à l’action organisée par l’association SDHPP de l’UdeM. L’étudiante de première année en études asiatiques Jasmine Toupin défend le fait de quitter son cours. «C’est important de dire que nous sommes pro-Palestine», estime-t-elle.
Les demandes de SDHPP
Devant le pavillon Jean-Brillant, une petite foule se forme. Dans un premier temps, la centaine de personnes présentes sont éparpillées et timides, mais rapidement, la coprésidente de SDHPP, Lindsay*, les rassemble. Après les avoir remercié·e·s d’être venu·e·s, elle énumère les demandes que l’association fait à l’Université : celle-ci devrait prendre position et défendre les droits de la personne des Palestinien·ne·s et mettre fin à ses partenariats avec les institutions israéliennes.
D’autres associations étudiantes, comme la Riposte socialiste et l’Écothèque, secondent ces demandes et comptent s’engager plus activement avec SDHPP. Présente à la manifestation, la secrétaire générale de l’Association des étudiant·e·s diplômé·e·s du Département d’histoire de l’UdeM, la doctorante Béatrice Couture, réclame que l’établissement prenne position publiquement pour encourager un «cessez-le-feu». «Il est crucial que le mouvement étudiant se positionne là-dessus, on a des étudiants qui sont directement touchés par l’enjeu, que ce soit des populations israéliennes ou palestiniennes», explique-t-elle.
Un engagement à risque
«Il y a déjà eu des membres de SDHPP […] qui ont reçu des menaces de mort en ligne, confie la déléguée au secrétariat de l’association et étudiante de première année en sciences politiques Paulette*. Après, nous, on a peur, vu le climat anxiogène, que ça se passe dans la réalité.» Lindsay* révèle avoir elle aussi été menacée de violences lorsqu’une de ses publications Instagram a été partagée par le compte @palestinianyouthmouvement.
Le chef de la sûreté de l’UdeM, Simon Potvin, présent à la manifestation, a prévu un dispositif de sécurité renforcé. Il avoue que son service ne s’attend à rien de particulier, mais qu’il est présent pour «s’assurer à ce que tout se passe bien.» Néanmoins, dans la mesure où la cause palestinienne est un sujet à caractère sensible pour certain·e·s, la sécurité de l’UdeM a préféré rester attentive quant à la possibilité d’une contre-manifestation, qui n’a pas lieu.
Cependant, pendant que le coprésident de SDHPP Yannis Arab, également doctorant en histoire et chargé de cours à l’UdeM, précise au micro que la cause palestinienne est née bien avant le Hamas, une altercation se produit. Un étudiant profère en effet des insultes à l’encontre d’un manifestant qui se trouve un peu en retrait et porte un drapeau palestinien, prétendant que le port de celui-ci est un symbole d’allégeance au Hamas.
Une université qui pourrait faire plus?
Parmi les étudiant·e·s avec lesquels Quartier Libre s’est entretenu au cours de la manifestation, plusieurs expriment leur désarroi face à au silence de l’UdeM. Yannis affirme que face à de tels évènements, la «neutralité n’existe pas».
L’étudiante de troisième année en relations internationales Eva Baudrier déclare qu’à la vue de l’importance qu’elle donne aux théories décoloniales dans les salles de classe, et pour rester cohérente avec ses valeurs humanistes, l’Université devrait montrer l’exemple en s’engageant pour la liberté des peuples colonisés.
À la suite de l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier et des bombardements israéliens qui ont suivi, l’UdeM a envoyé un communiqué sur la situation à Gaza. Le recteur de l’Université, Daniel Jutras, réitère que «L’Université en tant qu’institution n’a pas de position ni d’avis dans la sphère géopolitique.»
Soutien de la communauté étudiante
Après une période de moindre engagement pour la cause palestinienne, SDHPP a repris récemment du service. Les coprésident·e·s sont optimistes quant au futur de la mobilisation. L’association prévoit des rencontres, des projections et des campagnes de financement prochainement. Son compte Instagram a également gagné des centaines d’abonné·e·s en quelques jours et reçu de nombreux messages de soutien.
*Pour des raisons de sécurité et afin de protéger l’intégrité physique et morale des intervenant·e·s, les noms ont été modifiés.