Sans surprise, la lutte pour la transition écologique sera au cœur des revendications étudiantes cette année, dans la continuité des mobilisations de la session d’automne 2022. Après la tenue de grèves contre la COP15 sur la biodiversité en décembre dernier, le milieu écologique étudiant a désormais en vue une grève générale illimitée (GGI), prévue pour le printemps 2024. «Le but serait de rassembler le plus de monde possible dans les universités, mais aussi en dehors», indique à ce sujet l’étudiante en troisième année au baccalauréat en philosophie à l’UdeM Anne Desruisseaux, également membre de L’Écothèque. Ce regroupement étudiant de l’UdeM, axé tant sur l’éducation et l’échange d’idées que sur le militantisme, était d’ailleurs présent à l’UQAM à l’occasion de l’Assemblée populaire pour la lutte écologiste du 21 janvier dernier. Celle-ci réunissait des associations étudiantes de plusieurs universités ainsi que des groupes citoyens. L’objectif?: discuter de l’organisation et des revendications que porterait l’éventuel débrayage. «C’est gros une GGI, alors il faut s’y prendre à l’avance, et on veut arriver avec des demandes claires», explique Anne.
Affronter le cynisme ambiant
La bonne organisation et la clarté de la démarche évoquées par la membre de l’Écothèque sont d’autant plus importantes que le cynisme et le fatalisme sont très présents dans le milieu étudiant, selon plusieurs intervenant·e·s interrogé·e·s, et ce, même chez des personnes convaincues par la pertinence de la cause environnementale ou interpellées par d’autres enjeux. «Au moment de voter pour les grèves en décembre 2022 contre la COP15, certaines personnes qui se sont prononcées en faveur de celles-ci se demandaient quand même ce que ça allait changer au fond», poursuit Anne. La pandémie de la COVID-19 a en effet beaucoup nui au mouvement écologique et à sa capacité de mobilisation. «Le momentum suivant le passage de Greta Thunberg à Montréal a été coupé, déplore l’étudiante. Beaucoup de groupes qui étaient alors actifs se sont dissous.» Le 27 septembre 2019, environ 500 000 personnes étaient descendues dans la rue à Montréal, en réponse à l’appel de la militante suédoise.
L’étudiant en troisième année au baccalauréat en philosophie Émile Lemousy, membre du regroupement marxiste Riposte socialiste de l’UdeM, qui vise à diffuser les idées du socialisme révolutionnaire, constate lui aussi ce qu’il nomme un esprit de «doomerism», ou de pessimisme intégral, dans le milieu universitaire. Il pense toutefois que plus les problèmes toucheront les étudiant·e·s de près, plus l’attrait des mobilisations sera grand. Il cite à cet effet la proportion grandissante d’étudiant·e·s ayant recours aux banques alimentaires, dans un contexte d’inflation galopante. «Avec les luttes écologiques, l’enjeu de la précarité socio-économique vécue par de plus en plus de gens sera au cœur de nos revendications», indique-t-il.
Anne et Émile insistent également sur la valeur de l’échange et des discussions pour conjurer l’esprit de résignation, qui peut facilement gagner quiconque porte son regard sur l’actualité du monde. «C’est sûr que c’est plus motivant quand on peut se retrouver que quand on reste seul chez soi», souligne Anne. L’Écothèque organise ainsi des événements sociaux et met en commun des livres sur la crise climatique, les luttes décoloniales ou encore les droits des peuples autochtones, notamment grâce à l’appui de la maison d’édition Écosociété, qui fournit au regroupement étudiant des ouvrages portant sur ces sujets. La Riposte socialiste tiendra quant à elle une école marxiste en février en présence de conférencier·ère·s invité·e·s.
Lutte contre le racisme
L’idée d’un espace pour que les étudiant·e·s se réunissent et pour briser l’isolement à la fin de la pandémie est aussi à l’origine de la naissance de l’Organisation des étudiant·e·s noir·e·s de l’UdeM (Odenum) en février 2022. Sa vice-présidente et cofondatrice, l’étudiante en troisième année au baccalauréat en droit Emmanuelle Atongfor, explique que malgré l’existence préalable de certains regroupements, destinés entre autres aux étudiant·e·s haïtien·ne·s ou africain·e·s, un lieu d’accueil pour toutes les personnes noires, quels que soient leur origine ou leur domaine d’études, manquait au sein de l’UdeM. Le but de l’Odenum est donc de rassembler ces dernières autour d’activités sociales et de groupes de discussion, mais aussi de les représenter. «En tant que personne racisée, c’est certain qu’on peut être victime de préjudice à l’Université de Montréal, déclare Emmanuelle. C’est important qu’il y ait ce soutien, en particulier pour les étudiants étrangers.» Les membres de l’organisation travaillent en ce sens sur une série de vidéos éducatives portant sur des microagressions dont peuvent être victimes les personnes racisées sur le campus, dans l’espoir de les publier cette session. «On voudrait aussi produire des balados, où on inviterait des professionnels noirs à parler de leur parcours», ajoute l’étudiante, qui souligne l’importance d’encourager les personnes racisées à persévérer dans leurs études.
Et les partis politiques?
Si les élections générales, tant fédérales que provinciales, sont encore loin, une élection partielle dans la circonscription de Saint-Henri-Saint-Anne devra bientôt avoir lieu et occupera dans les mois à venir le regroupement étudiant Québec solidaire Université de Montréal, qui vient tout juste d’élire un nouveau conseil et tente de retrouver l’enthousiasme prépandémique. Ses membres se préparent aussi pour le «conseil national» du parti, qui aura lieu ce mois-ci. Selon sa co-porte-parole, l’étudiante à la majeure en histoire Clodie Parenteau, ce serait un message fort que d’envoyer le candidat Guillaume Cliche-Rivard à l’Assemblée nationale. «Dans la mesure où il est un avocat spécialisé en droit de l’immigration», le faire élire dans la circonscription montréalaise permettrait à Québec solidaire de s’ancrer encore mieux dans l’opposition face au discours caquiste en matière d’immigration. Pour elle, l’implication étudiante au sein d’un parti politique est encore pertinente. L’étudiante en troisième année au baccalauréat en droit Erica Picillo, également présidente des Jeunes libéraux de l’UdeM (fédéraux), juge pour sa part que les ailes jeunesse des partis les regroupements étudiants associés aux partis politiques sont un bon espace de dialogue. «Plus on parle avec des gens de notre âge, plus on remarque qu’on a des points en commun», précise-t-elle. Elle cite par exemple le dossier de l’environnement ou celui de l’égalité entre les hommes et les femmes. La difficulté pour les regroupements étudiants politiques, selon Erica, est de garder l’organisation active, alors que le roulement des membres est élevé. Les membres de CAQ UdeM et de Jeunes péquistes UdeM n’ont pour leur part pas donné suite aux demandes d’entrevue de Quartier Libre.