Uncategorized

Gel des avoirs, surveillance accrue et interdiction de voyage aux États-Unis : les conséquences de faire partie de cette liste pour un membre d’une organisation considérée comme terroriste sont énormes, selon le chercheur et professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal Samuel Tanner. Crédit: Anthony Crider via Licences Creative Commons

Les critères d’entrée au club des terroristes

Une motion visant à reconnaître le groupe néo-fasciste Proud Boys comme entité terroriste au Canada a été approuvée à l’unanimité à la Chambre des communes le 25 janvier dernier. Si le climat politique favorise l’introduction de ce groupe d’extrême droite dans la liste des formations terroristes, les experts rappellent que des critères pour qu’une organisation soit reconnue comme telle au Canada existent. Quels sont-ils ?

« Il faut qu’il y ait une motivation politique idéologique ou religieuse, la volonté de contraindre le gouvernement ou de terroriser un groupe, des menaces de recours ou un recours à la violence, et que le groupe menace à la santé et à la sécurité des gens », résume le professeur de l’Université de Sherbrooke et codirecteur de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent, David Morin.

En plus de cette nécessaire conformité avec la définition du Code criminel canadien du terrorisme, il est fondamental, selon M. Morin, que le gouvernement détienne suffisamment de renseignements sur le groupe visé. « Les preuves doivent être suffisantes aussi, pour permettre à un juge de trancher en cas de poursuites », souligne-t-il. Ce n’est qu’une fois le dossier monté que le ministre responsable de la sécurité publique peut émettre une recommandation au premier ministre.

Mais le facteur politique joue un rôle important dans ce processus. « Le contexte politique général fait que, de plus en plus, on prend conscience de l’essor des groupes d’extrême-droite violents en Occident », estime M. Morin. Il cite, à ce titre, la montée de partis d’extrême droite à l’international, l’invasion du Capitole du 6 janvier dernier, mais aussi le fait que des députés fédéraux aient fait l’objet de menaces sur les réseaux sociaux.

Conséquences

Gel des avoirs, surveillance accrue et interdiction de voyage aux États-Unis : les conséquences de faire partie de cette liste pour un membre d’une organisation considérée comme terroriste sont énormes, selon le chercheur et professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal Samuel Tanner.

« Dès que vous êtes fiché comme Mme Proud Boys ou M. Al Qaïda, vous n’avez plus la même protection face à la surveillance », explique M. Tanner. En effet, la loi antiterroriste accorde davantage de souplesse et de moyens au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) pour faire de la surveillance et elle permet à celui-ci d’obtenir plus facilement les mandats d’enquête sur des membres de la liste.

Le chercheur estime que cette mesure a clairement un effet dissuasif sur d’autres groupes aux visées similaires. « C’est un message envoyé aux autres groupes de cette nature-là, qui dit de faire attention, que ça leur pend au nez aussi », considère-t-il.

Même son de cloche chez M. Morin. « Je ne serais pas surpris, depuis qu’on discute de ça, qu’il y ait de moins de moins de membres des Proud Boys qui s’identifient ouvertement comme tels », pense-t-il. Selon le média Global News, au moins deux factions canadiennes des Proud Boys se seraient effectivement dissoutes depuis l’appel lancé par le Nouveau Parti démocratique (NPD) pour les ajouter à la liste des entités terroristes.

Pourquoi les Proud Boys ?

« À mon avis, les Proud Boys ne seraient pas les premiers sur la liste », soutient M. Morin. Si ces groupes de milices armées représentent un réel danger sécuritaire, les Proud Boys se qualifient surtout sur la liste canadienne parce qu’ils ont été mis sous le feu des projecteurs à la suite d’une déclaration de Donald Trump à leur sujet. Selon le professeur, d’autres groupes, comme The Base ou Atomwaffen Division, assument ouvertement l’action violente comme un moyen de faire avancer leurs idéaux politiques, peut-être davantage que les Proud Boys.

Pour M. Morin, il n’en demeure pas moins qu’un cycle de violence d’extrême-droite s’est ouvert. Il note une augmentation des actes liés à l’extrême-droite, y compris les crimes haineux, au cours de la dernière décennie. Selon un rapport global sur le terrorisme de l’Institute for Economics and Peace dévoilé en 2020, le nombre d’actions terroristes d’extrême droite répertoriées en Occident est passé de 1 à 49 entre 2010 et 2019.

« Ces gens-là ont montré, début janvier, qu’ils sont capables de violence et qu’il ne faut surtout pas minimiser la chose », poursuit M. Tanner, qui ajoute que la porosité entre les groupes d’extrême-droite des deux côtés de la frontière représente, pour le Canada, un enjeu de sécurité publique sur son propre territoire. À cet effet, il rappelle que le fondateur des Proud Boys, Gavin McInnes, est un citoyen canadien, et un ex-Montréalais.

Mais ce geste, selon le chercheur, serait aussi un message envoyé à l’administration Biden, pour signifier que le Canada participe à l’effort de lutte contre cet extrémisme violent.

Cibler les suprémacistes blancs ?

Selon M. Morin, l’arrivée de l’administration Biden annonce qu’une pression supplémentaire sera mise sur les groupes d’extrême-droite. « Le Canada va se faire mettre de la pression de la part des États-Unis en termes de renseignements et de coopération », affirme-t-il.

Les Proud Boys ne seraient que le troisième groupe suprémaciste blanc à faire partie de la liste canadienne des organisations terroristes, après Combat 18 et Blood & Honor. Cette liste regroupe une cinquantaine de groupes, dont un nombre important sont islamistes. Néanmoins, M. Morin et M. Tanner s’entendent pour dire que quelques autres groupes ultranationalistes s’ajouteront certainement à la liste canadienne dans les prochaines années.

Partager cet article